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xviie législature - Page 5

  • Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !

    « Je voudrais rappeler que le Sénat, donc chacune et chacun d’entre nous, a une responsabilité particulière de préservation des institutions et de protection des libertés dans la période qui s’ouvre. Je veillerai à ce que notre assemblée exerce ses prérogatives en toute indépendance et avec responsabilité, qu’il s’agisse de ses compétences en matière législative ou de ses pouvoirs de contrôle. » (Gérard Larcher, le 18 juillet 2024 au Sénat).



     

     
     


    L'ouverture de la XVIIe législature n'a pas seulement concerné les députés de l'Assemblée Nationale, mais aussi les sénateurs du Sénat (renouvelé en septembre 2023). En effet, en raison de la dissolution puis des élections législatives anticipées (et en l'absence d'une session ordinaire), une session parlementaire extraordinaire est obligatoirement provoquée pour installer la nouvelle Assemblée Nationale à partir du deuxième jeudi suivant le second tour (troisième alinéa de l'article 12 de la Constitution), soit le jeudi 18 juillet 2024, pour une durée de quinze jours (jusqu'au 1er août 2024 inclus). Autant que l'Assemblée, le Sénat devait donc se réunir le même jour. En conférence des présidents pour fixer l'ordre du jour, vide a priori, il a été donc décidé de faire un débat parlementaire sur la situation politique (un représentant de chaque groupe politique prenant la parole dans l'ordre décroissant de l'importance des groupes) et de ne plus se réunir jusqu'à la fin de cette session spéciale sauf en cas de nécessité.

    C'était la teneur du message du Président du Sénat Gérard Larcher ce jeudi 18 juillet 2024 à 15 heures 30 : « Mes chers collègues, la conférence des présidents s’est réunie tout à l’heure, en l’absence du gouvernement, démissionnaire. Elle n’a donc pas fixé d’ordre du jour pour la session de droit. (…) Nous attendrons la désignation du nouveau gouvernement de plein exercice pour fixer le calendrier des semaines du premier trimestre de la session. ».

    Et de proposer ainsi un débat contradictoire : « Mes chers collègues, compte tenu du contexte, la conférence des présidents a décidé d’organiser un temps d’expression des groupes sur la situation politique, en prévoyant l’intervention d’un orateur par groupe et d’un représentant des sénateurs n’appartenant à aucun groupe. ».


    Comme déjà lors de la législature précédente (2022-2024), puisque aucune majorité absolue n'avait (déjà) été observée à l'Assemblée Nationale, les sénateurs ont effectivement un rôle important de gardiens de la stabilité institutionnelle et de facilitateurs du processus législatif dès lors qu'aucune majorité, même relative, n'est connue à ce jour au sein des députés.

    Je propose ainsi un petit aperçu des orateurs des principaux groupes politiques du Sénat sur la situation politique de la France à l'issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet 2024. On ne s'étonnera évidemment pas que les partis d'opposition s'opposent au Président Emmanuel Macron, parfois avec des arguments assez peu constructifs et souvent stériles.

     

     
     


    Premier à parler en raison de l'importance de son groupe, Bruno Retailleau, président du groupe LR, a largement fustigé la responsabilité du Président de la République dans cette situation surréaliste et impossible : « L’exercice auquel nous allons nous livrer cette après-midi témoigne d’un grand désordre : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée Nationale ; il n’y a pas de Premier Ministre ; il n’y a pas de ministre au banc du gouvernement, qui reste vide ; il y a seulement un gouvernement démissionnaire, qui est chargé d’expédier les affaires courantes. À mon sens, ce grand désordre est à l’image de la voie sans issue dans laquelle le Président Macron a conduit le pays. ».

    Pour lui, deux causes à cette impasse. D'une part, Emmanuel Macron : « Quelques mois après la première élection de M. Macron à la Présidence de la République en 2017, j’avais écrit dans une tribune que le macronisme était non pas un hypercentrisme, mais un égocentrisme. Comment comprendre la dissolution en dehors de cette analyse ? Comment expliquer cette inexplicable décision sans tenir compte de cet élément ? Bien entendu, personne ne s’y attendait : le Général De Gaulle disait qu’une dissolution était faite pour résoudre une crise, non pour en provoquer une… ».

    Ainsi, le Président est devenu le « grand ordonnateur du front républicain. Ce dernier cependant ne règle rien pour l’avenir, car un rejet n’est pas un projet. Fort heureusement, les Français ont clairement indiqué qu’ils ne faisaient pas confiance au Rassemblement national pour gouverner la France. Toutefois (…), on aurait tort de balayer d’un revers de main les angoisses et les attentes exprimées par des millions de Français, notamment au premier tour des élections législatives. ».


    D'autre part, le tripartisme « constitué par un bloc central et deux ailes radicales » : « Le tripartisme est un poison, tant pour la démocratie, parce qu’il sous-entend qu’il n’y a d’autre alternance que radicale, que pour la Ve République, qui est conçue pour le fait majoritaire. En effet, lorsque le paysage politique est divisé en trois, il n’y a pas de majorité. Aujourd’hui, il n’y a plus de majorité : la démocratie est comme placée en pause et la République est sous la pression de M. Mélenchon, dont les affidés appellent à marcher sur Matignon et dont les supplétifs voudraient que l’on place aujourd’hui l’Assemblée Nationale sous surveillance. Est-ce acceptable ? Bien sûr que non ! ».

    Conformément à son origine gaulliste, Bruno Retailleau attendrait donc tout du Président : « Le Président de la République reste la clef de voûte de nos institutions. Il doit désormais formuler des propositions pour sortir du chaos. Il détient les clefs institutionnelles, au moins certaines d’entre elles. Que peut-il faire ? Certainement pas nommer un Premier Ministre issu des Insoumis, qui, je le répète à cette tribune, se sont par eux-mêmes retranchés de l’arc républicain, en défendant un antisionisme qui est malheureusement parfois le masque peu convenable de l’antisémitisme ou en méprisant les institutions, notamment en prônant la "haine des flics" et la désobéissance civile, c’est-à-dire rien d’autre que l’appel à désobéir à la loi que nous votons ! Ils expriment également une fascination pour la violence, théorisée par Chantal Mouffe. Je cite M. Mélenchon : "Il faut faire d’un peuple révolté un peuple révolutionnaire". Or nous savons ce que donnent les révolutions : la guerre civile ! (…) Je ne confonds pas cette gauche-là avec la gauche républicaine qui siège au Sénat. Je sais parfaitement que celle-ci a la République chevillée au corps. ».


    Ces deux dernières phrases pourraient laisser entendre que le groupe LR au Sénat serait favorable à une grande coalition allant du PS à LR, mais ce n'est pas le cas : « Je ne crois pas à une grande coalition. Une grande coalition, c’est le mariage des contraires, c’est la parousie du "en même temps". Il me semble au contraire que c’est dans la clarté que nous devons travailler pour la France. En revanche, dans ces moments, il faut en revenir aux grandes leçons de l’histoire. Quand la politique est affaiblie comme aujourd’hui et qu’elle se révèle incapable de tenir les rênes de l’État ou le destin des Français, il faut parfois sortir de la logique des partis. ».

    Son esquisse de solution serait la nomination d'un gouvernement de techniciens : « Quelques évidences s’imposent. La première, c’est que selon la Constitution de la Ve République, la nomination du Premier Ministre revient non pas aux partis, mais au Président de la République. Deuxième évidence : j’ai proposé de décaler le point de vue. Plutôt que de choisir un profil parmi les partis politiques, il vaudrait sans doute mieux désigner une personnalité non seulement technique ou issue de la société civile, mais qui, par son aura et sa stature, ait le sens de l’État et connaisse bien ses rouages. J’ai proposé que cette personne ait fait autre chose qu’un bref passage dans l’administration et qu’elle ait l’intérêt général chevillé au corps. Les candidats ayant ce type de profil existent. ».


    Pour quoi faire ? Quelques actes forts : « Nous pourrions nous mettre d’accord, mes chers collègues, sur un agenda législatif, car il nous faut éviter le chaos pour la France, y compris en matière financière. Le premier acte législatif, ce sera le budget. Or, en cas de crise financière, ce ne sont pas les plus riches qui souffrent le plus. Au contraire, en général, ce sont les plus modestes ! Il existe donc un passage. Il appartiendra au Président de la République de l’emprunter. ».

    Le dernier point du discours de Bruno Retailleau, c'était pour redire l'importance du Sénat en cette période troublée : « Au milieu de ce champ de ruines se tient le Sénat. La Haute Assemblée est debout (…) et constitue un amer, un repère, un pôle de stabilité (…). Soyons, mes chers collègues, la chambre de la démocratie du grand jour et non celle de la démocratie des combinaisons d’arrière-couloir ou des manigances d’arrière-boutique. (…) L’Assemblée Nationale pourra dire non, mais jamais elle ne pourra dire oui. Seul le Sénat dispose d’une majorité permettant de faire peut-être passer des textes. Au milieu de cette agitation et de cette confusion, le Sénat dans son ensemble (…) devra incarner ce qui manque peut-être actuellement le plus à notre pays : la force de l’équilibre, la puissance de la stabilité, mais aussi la voix de la raison. ».

     

     
     


    Le deuxième orateur était l'ancien ministre Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. Lui non plus n'a pas mâché ses mots contre Emmanuel Macron : « Outre une débâcle électorale pour le camp présidentiel, c’est un véritable chaos démocratique dans lequel nous avons été plongés le 9 juin dernier, par le caprice vengeur d’un homme vexé. Le "maître des horloges" est devenu un enfant roi qui a cassé son jouet, la République. Rien d’étonnant, me direz-vous. C’est ce même Président de la République qui a voulu enjamber l’élection présidentielle en 2022 et escamoter les élections législatives qui ont suivi. C’est le même qui a brutalisé les institutions du pays et qui a voulu les contourner avec des gadgets improductifs : le fameux grand débat, les conventions citoyennes, le Conseil national de la refondation (CNR) ou encore les rencontres de Saint-Denis… Tout cela au lieu d’écouter le peuple qui souffrait et qui grondait. ». Cette dernière phrase est peu pertinente puisque justement, par la dissolution, Emmanuel Macron a fait appel à la parole du peuple en lui redonnant l'initiative.

    Un peu plus tard, il revenait avec son aigreur d'antimacroniste primaire : « Est-il acceptable qu’un homme seul, fût-il Président de la République, puisse fragiliser nos institutions, y compris en jouant à la roulette russe la prise de pouvoir par l’extrême droite ? C’est pourtant un Président de la République élu par défaut, grâce à un front républicain qu’il a balayé d’un revers de main en 2017, qu’il a écarté d’un autre revers de main en 2022 et qu’il néglige en 2024. ».


    Mais Patrick Kanner a regretté qu'une part importante du peuple s'en est remise au RN : « Ce sont désormais 12 millions de nos concitoyens qui, de peur du déclassement, de la relégation et de l’isolement, votent pour l’extrême droite, et cela de plus en plus par adhésion, et par une adhésion assumée. (…) Désormais, des millions d’électeurs sont convaincus que le RN est la seule solution de rechange. À force de ne vouloir débattre qu’avec le RN, le désavoué Emmanuel Macron a installé dans l’esprit des Français l’idée mortifère que le couple Le Pen-Bardella était le seul opposant efficace à sa politique. ».

    C'est pourtant bien la gauche qui, en se désistant avec le bloc central, a précipité, par le front républicain, cet état de fait : « Le front républicain a guidé notre action dès le lendemain du premier tour. Il a permis d’éviter le pire avec le soutien des deux tiers de nos concitoyens. (…) Aucune porosité avec l’extrême droite ne saurait, à nous, être reprochée. ». Pourtant, les actes et comportements à l'Assemblée entre 2022 et 2024 ont prouvé le contraire.


    Ce qu'a proposé Patrick Kanner, c'était un gouvernement NFP alors que le NFP n'a pas de majorité, et un bouleversement des institutions alors qu'elles permettent, au contraire, de préserver une certaine stabilité du pays face à la confusion des partis.
     

     
     


    Le troisième orateur est Hervé Marseille, le président du groupe centriste (UC) au Sénat, qui accueille aussi bien des sénateurs favorables au pouvoir macroniste qu'opposants à lui : « Le 7 juillet au soir, j’en ai entendu certains dire que le Nouveau front populaire était majoritaire. Je n’ai pas la même lecture des résultats. Au demeurant, l’élection au perchoir de l’Assemblée Nationale, ce soir, nous éclairera sur le sujet… J’en ai entendu d’autres dire que l’exécutif qui gouverne depuis 2017 serait fautif de tout, puisqu’il a dissous. Certes, mais il a tout de même eu le bon goût de ne pas proposer de candidats face à 60 candidats de la droite et du centre ! Ceux-ci ont donc bénéficié, cela a déjà été rappelé, des voix de gauche au second tour, et vice-versa, le désistement des candidats de la droite et du centre ayant également permis l’élection de députés de gauche dans le cadre de l’arc républicain. C’est dire que les résultats doivent être étudiés avec une certaine retenue et beaucoup de modestie. ».

    Le centriste a eu également raison de rappeler que l'absence de majorité (et donc que la situation impossible) ne provient pas d'Emmanuel Macron mais avant tout du vote des électeurs : « La dissolution a eu lieu. Les Français ont voté. Et, pour la première fois depuis 1962, ils n’ont pas désigné de majorité à l’Assemblée Nationale, même relative. Dès lors, nous devons nous poser deux questions bien précises : qui peut gouverner ? Pour quoi faire ? ».

    Qui peut gouverner : « Tout d’abord, nous devons trouver une majorité de gestion au sein de l’Assemblée Nationale qui soit la plus homogène possible. Rien qu’en matière de politique étrangère, le gouvernement doit pouvoir parler d’une seule voix. Que dirons-nous demain sur l’Ukraine, sur Israël ou encore sur le nucléaire ? Un gouvernement suppose une certaine affectio societatis entre ses membres, ce qui invalide d’emblée la France insoumise (LFI), qui est en porte-à-faux avec ses propres alliés sur nombre de sujets. Ensuite, parmi toutes les forces composant la nouvelle Assemblée Nationale, peu sont enclines à donner des postes de responsabilité gouvernementale aux extrêmes. La plupart partagent l’attachement aux valeurs républicaines et à l’Union Européenne. Collectivement, elles peuvent rassembler tous ceux qui refusent un gouvernement comportant des extrêmes. Les forces de l’arc républicain rassemblent les partis traditionnels de gouvernement. Or un parti de gouvernement, à ma connaissance, c’est fait pour gouverner ! (…) Il s’agirait d’une coalition allant des Républicains aux sociaux-démocrates. L’avenir de notre pays se joue plus que jamais autour du bloc central, en opposition aux extrêmes. Le problème, c’est que la culture politique française est peu habituée à cet exercice. ».

    Pour trouver un modèle historique, Hervé Marseille a ressorti une expérience originale de la Troisième République : « Il y a eu au moins un précédent fameux, celui de Waldeck-Rousseau, qui constitua en 1899 un gouvernement de défense républicaine dans le contexte de l’affaire Dreyfus. Ce gouvernement rassemblait des modérés, des radicaux et des libéraux. C’est à lui que nous devons l’installation définitive de la République dans notre pays. Nous sommes aujourd’hui dans une situation comparable. Il n’y a pas d’autre issue qu’une coalition de défense républicaine pour traiter urgemment les maux dont souffre notre société. (…) Les extrêmes n’apportent aucune solution. Les propositions les plus structurantes avancées par le RN, soit sont inconstitutionnelles, soit relèvent de l’Europe. Le programme du Nouveau front populaire, quant à lui, est mortifère pour notre économie. ».

    Pour quoi faire : « Je pense au pouvoir d’achat et au logement, bien sûr. Je pense également à l’accès aux services publics ou à la santé. Enfin, les Français ne supportent plus l’impuissance de l’État. Il y a des sujets pour lesquels on ne peut plus tergiverser. C’est le cas de l’immigration irrégulière, de la laïcité et de la sécurité, en particulier la violence des mineurs. Il faudra avoir le courage de prendre des mesures pour apporter une réponse pénale plus rapide. Idem concernant les finances publiques et la dette. (…) On ne retrouvera vraisemblablement pas le chemin de l’équilibre sans à la fois réaliser des économies et trouver de nouvelles ressources. Ne pas le dire, ne pas le relever, c’est mentir ! N’oublions pas non plus la Nouvelle-Calédonie et Mayotte, laissées seules face à elles-mêmes en ce moment, dans de terribles souffrances. Sur l’ensemble de ces sujets, nous avons une obligation de résultat. Nous ne pouvons pas échouer, car, dans ce cas-là, je ne donne malheureusement pas cher de notre avenir. Si nous ne nous montrons pas à la hauteur de l’enjeu, nos lendemains seront très difficiles. ».


    Fidèle au centrisme, Hervé Marseille a également prôné le scrutin proportionnel et le « retour réfléchi du cumul des mandats ». Si le second point serait un avantage pour remettre les députés au plus près des réalités que vivent les Français, le premier point, au contraire, les éloignerait forcément en laissant tout pouvoir à la cuisine politicienne des partis.

    Comme Gérard Larcher et Bruno Retailleau, Hervé Marseille voit le Sénat comme le moteur de la stabilité et de la construction de la loi : « En 2022, avec une majorité relative, nous avons redécouvert qu’il était non seulement possible, mais même nécessaire de se parler, de s’écouter, de négocier et de faire des compromis pour adopter des textes. Ici, au Sénat, nous savons faire cela ! Aujourd’hui, il nous faut aller plus loin et déployer plus que nous ne l’avons jamais fait des trésors de pragmatisme et d’esprit de consensus. Il nous faut expérimenter un système dans lequel le Parlement revient au cœur de la vie politique du pays. Nous devrons être véritablement moteurs, force d’initiative et de proposition. (…) Il va falloir momentanément oublier les intérêts personnels et partisans pour accepter une plate-forme minimale dans l’intérêt du pays. C’est un comportement qui est courant en Europe et qui respecte les citoyens. Comme l’a dit à l’instant notre Président, nous avons à cet égard une immense responsabilité. ».

     

     
     


    Quatrième orateur dans l'ordre d'importance des groupes, François Patriat représentait les sénateurs macronistes dont il préside le groupe : « Nous vivons une situation inédite : par leur vote, les Français se sont prononcés pour trois blocs, dont deux extrêmes aux politiques inapplicables. C’est ce tripartisme qui redonne aujourd’hui la parole au Parlement. Vous ne devriez pas vous en plaindre, d’ailleurs, mes chers collègues. C’est un revers pour la majorité sortante. Nous en prenons acte. Pour autant, ce n’est une victoire pour personne. D’une part, les Français ont refusé le national-populisme, d’autre part, malgré ses affirmations, le Nouveau front populaire n’a pas gagné : c’est le front républicain qui a gagné. Avec plus de 10 millions de voix en sa faveur, le Rassemblement national reste aux portes du pouvoir, tandis que, pour certains d’entre nous, le pilonnage permanent du chef de l’État fait office d’unique programme politique. ».

    Parmi ses préconisations : « Les politiques responsables ne doivent pas être tétanisés par la perspective de l’élection présidentielle au point de refuser d’assumer, dès à présent, leurs responsabilités. La guerre fait rage en Europe, le risque terroriste plane toujours, les problèmes d’insécurité, de pouvoir d’achat et d’accès aux services publics demeurent au premier rang des préoccupations des Français. Avec la hausse des taux d’intérêt, la crise financière est à nos portes et le déclassement qui en résulterait serait un désastre, en particulier pour les plus défavorisés. La réponse politique doit être forte. Notre pays a besoin d’un programme d’action axé autour de trois priorités : préserver nos acquis économiques, accentuer la réponse régalienne et lutter pour plus de justice sociale. Ces priorités sont portées par l’ensemble des groupes politiques du Sénat, et je reste convaincu que les députés de l’arc républicain partagent ce diagnostic. En travaillant ensemble, en associant les partenaires sociaux et les forces vives économiques, sociales et culturelles, notre pays peut dessiner une ambition nationale. (…) Profitons de ce séisme politique pour bâtir un large rassemblement. J’appelle la gauche responsable et sociale-démocrate, les centristes, la droite républicaine et plus largement tous ceux qui portent les valeurs humanistes et universalistes et qui veulent protéger notre démocratie à œuvrer ensemble, pour bâtir une alliance protectrice de la République. ».

    Cinq autres orateurs ont ensuite succédé à François Patriat : Cécile Cukierman, présidente du groupe communiste, Claude Malhuret, président du groupe des indépendants, Maryse Carrère, présidente du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, et Christopher Szczurek au nom des non-inscrits.

    Faute de la présence d'un gouvernement, les sénateurs se sont séparés dans la soirée du 18 juillet et espéraient retrouver un fonctionnement normal à partir du 1er octobre 2024. Comme l'a montré ce débat, chacun a rappelé la position voire la posture de son parti, mais les sénateurs ont forcément un rôle à jouer pour encourager des partis très différents à gouverner provisoirement la France dans l'intérêt des Français.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (33) : Le grain de sel du Sénat !
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-senat.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-33-le-grain-de-255914

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240718-senat.html



     

  • Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets

    « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Nous avions eu Castex, voici qu'on veut nous imposer Castets. Lucie Castets, plus exactement, obscure ronde-de-cuir, technocrate, énarque (issue du prestigieux Trésor), certainement fort estimable femme de pouvoir de 37 ans mais tellement inconnue du bataillon qu'elle n'avait pas de page Wikipédia jusqu'à maintenant. Certes, cela ne signifie bien sûr rien, mais cela donne une idée sur la manière dont les apparatchiks de la nouvelle farce populaire (NFP) se moquent de la tête de leurs propres électeurs qui, eux non plus, ne savaient pas qu'en votant pour un candidat du NFP, ils allaient voter pour Castets à Matignon.

    Il faut dire que les apparatchiks du NFP non plus ne savaient pas qu'ils allaient la choisir, après avoir tenté de proposer deux grand-mères, fort estimables aussi, de plus de 73 ans, qui avaient l'avantage, au moins, d'être des politiques et d'avoir fait leurs preuves en politique, enfin, pour au moins l'une d'elles, Huguette Bello (l'autre Laurence Tubiana avait une petite, très petite expérience avec la Conférence citoyenne pour le climat).

    Le choix de Lucie Castets est complètement dément. Pourquoi elle ? J'ai l'impression que ces hiérarques de la gauche ultradicalisée (un nouveau mot venu soudain sur mon clavier) voulaient absolument un nom avant l'intervention télévisée du Président de la République Emmanuel Macron prévue le mardi 23 juillet 2024 à 20 heures. Ainsi, la fumée blanche s'est échappée des cerveaux bouillonnants, endoloris par une sorte d'autisme, du NFP le mardi 23 juillet 2024 à 19 heures 01. L'impression aussi que dans ce vaste jeu de téléréalité, ce nom a été pioché au hasard dans l'annuaire téléphonique... de la Ville de Paris.

     

     
     


    Jean-Luc Mélenchon serait-il pour Matignon ce que Clemenceau était pour l'Élysée : celui qui trouve le personnage qui ferait le moins d'ombre possible, avec le moins d'éclat possible, afin de parfaire sa candidature à l'élection présidentielle de 2027 ?

    Si on tente de définir politiquement Lucie Castets, on pourrait dire qu'elle serait une sorte (très bizarroïde) de socialiste tendance mélenchoniste, un genre qui s'apparente à une sorte de fanatisme militant sur les services publics qui pourrait inquiéter sur la neutralité de nos hauts fonctionnaires. J'insiste sur ce point qui ne semble jamais être abordé lorsqu'on évoque Lucie Castets et qui me paraît particulièrement choquant. Chacun a le droit d'avoir ses opinions politiques, bien sûr, y compris les policiers, les gendarmes et les autres militaires, mais à mon sens, ce qu'on impose à un "petit" fonctionnaire du fisc quand il présente des éléments de trésorerie à des municipalités pendant la récente campagne électorale, à savoir répondre qu'il n'a pas le droit de répondre aux questions (alors qu'il n'y a rien de politique) parce qu'il a un devoir de réserve. Où est le devoir de réserve pour les hauts fonctionnaires qui s'occupent de gérer (mal) les finances d'une collectivités publiques ?

    Car ce qu'on a retenu en premier, et ce n'est pas fait pour la rendre populaire, c'est que Lucie Castets est directrice des finances et des achats de la Ville de Paris. Autant dire qu'elle donne toute confiance dans la capacité à gérer un pays comme la France, déjà surendettée, alors que la Ville de Paris a près de 10 milliards d'euros d'endettement et que les contribuables parisiens ont vu leur note fiscale doubler en quelques années. Les défenseurs de la candidate surréaliste à Matignon précisent alors qu'elle n'est à ce poste que depuis octobre 2023 et n'est pas la responsable de ces finances municipales en faillite, néanmoins, elle était auparavant dans le staff de la maire Anne Hidalgo comme conseillère depuis 2020
    , en charge du budget et des finances. Je reste quand même dubitatif. David Alphand, membre LR de la commission des finances de la Ville de Paris, peut témoigner : « Lucie Castets à Matignon ? Ce serait une très mauvaise nouvelle pour les Français, synonyme de hausse massive des impôts et de dérive de la dette. En tant que conseillère de la maire de Paris, elle n'a pas été que l'exécutante des décisions politiques prises par les élus. Elle est l'une des architectes de l'effondrement de la ville depuis 2020. » (cité par "L'Express" le 25 juillet 2024). Éloignée des gens parce que technocrate, éloignée des gens parce parisiano-parisienne, éloignée des gens parce que faiseuse de dettes et de hausse d'impôts. Sur le CV d'un futur Premier Ministre, on peut quand même attendre mieux.

    Sans vouloir répéter inlassablement que le NFP n'a pas de majorité même relative à l'Assemblée Nationale, sinon son candidat André Chassaigne aurait été élu au perchoir puisque l'élection s'est faite au troisième tour à la majorité relative, revenons aussi sur une affirmation stupide de quelques enragés du NFP qui expliquaient que mettre seize jours à trouver un Premier Ministre, c'était moins que plusieurs mois dans d'autres démocraties.

    Décidément, ces excités aiment bien tromper les Français, ou du moins, les maintenir dans une sorte de confusion mentale. Dans des démocraties européennes comme en Allemagne, aux Pays-Bas, en Italie, etc., le temps long vient du temps des négociations pour trouver un compromis entre plusieurs coalitions alors qu'aucune d'entre elle n'a la majorité absolue. En revanche, si chacune de ces coalitions avait la majorité absolue, le nom du chef du gouvernement aurait été connu dès l'issue des élections, c'était le cas justement avec Giorgia Meloni qui, fait rare en Italie, bénéficie d'une majorité absolue.

     
     


    Ici, ce temps long n'était pas pour chercher un compromis avec d'autres forces politiques, les apparatchiks du NFP crient en permanence l'idée que c'est impossible. Ils ont passé ces seize jours à tenter de ne pas mécontenter Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, le temps long normal, celui que demande d'ailleurs Emmanuel Macron, ce sont les négociations pour que des coalitions différentes puissent se mettre un minimum d'accord pour pouvoir gouverner ensemble, puisque aucune d'entre elles n'a la majorité ni absolue ni relative.

    Lucie Castets ne serait qu'une fondée de pouvoir de Jean-Luc Mélenchon et répétons-le, pour cette haute énarque supposée compétente en finances publiques (malgré l'état lamentable des finances de la Ville de Paris), 193 ne fera jamais 289. Il manque 100 députés pour pouvoir gouverner. L'arithmétique est simple, basique, claire, là où la politique est confuse, brouillardeuse, trompeuse et hurlante. Ce n'est pas parce qu'il y a un gourou qui a dépassé les strates de la réalité cosmique qui a dit avec vacarme : "nous avons gagné !", en donnant d'ailleurs odieusement un faux espoir à des électeurs qui y croyaient sincèrement qu'ils ont réellement gagné. Rien que les faits !

    Candidate aux élections régionales en Normandie en 2015 sur la liste de l'actuel maire PS de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol, rival malheureux de l'actuel premier secrétaire du PS Olivier Faure au dernier congrès cacophonique du PS, membre du bureau de l'Observatoire de l'extrême droite aux côtés de Thomas Portes, député FI connu pour sa grande tolérance des idées des autres (!), Lucie Castets s'est rapprochée d'Anne Hidalgo et de Clémentine Autain. Elle fait partie de ces militantes écorchées, arrogantes, qui pensent qu'elles ont raison contre les faits, contre la logique, contre l'intérêt national.

    Incontestablement, Lucie Castets, par son parcours, est une connaisseuse de la chose publique, au contraire d'un Jordan Bardella qui n'a rien fait de sa vie professionnelle sinon faire de la politique politicienne. En revanche, Jordan Bardella aurait dix mille fois plus de légitimité politique que Lucie Castets, malgré son jeune âge, sa vacuité intellectuelle et professionnelle, si le RN avait obtenu ne serait-ce qu'une majorité relative parce que les électeurs du RN étaient respectés ; s'ils votaient pour un candidat RN, ils votaient clairement pour Jordan Bardella à Matignon, que cela plaise ou pas. C'était le cas aussi aux trois dernières cohabitations, le nom du Premier Ministre n'a jamais été secret ni caché aux élections des forces politiques qui ont gagné les élections législatives de 1986 (Jacques Chirac), 1993 (Édouard Balladur) et 1997 (Lionel Jospin).

     

     
     


    Les internautes ne s'y sont d'ailleurs pas trompés. Les réactions sur Twitter, déjà proposées ici, sont assez parlantes. Ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».
     

     
     


    Le verdict des sondages n'est pas plus prometteur pour Lucie Castets. Par exemple, selon un sondage réalisé les 23 et 24 juillet 2024 par Elabe pour BFMTV, 58% des sondés considèrent qu'Emmanuel Macron ne doit pas nommer Lucie Castets à Matignon.

    Le NFP vit désormais dans une réalité alternative. C'est dangereux car ses apparatchiks emmènent avec eux une partie de la population, leurs électeurs, qui, peu respectés par eux, vont aussi se placer dans cette réalité alternative. La réalité vraie, si j'ose dire, c'est que 193 n'est pas égal à 289, et aussi que 207 est inférieur à 220, les voix obtenues respectivement par André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet le 18 juillet 2024 au perchoir. Tant que les groupes politiques du NFP ne comprennent pas cette petite chose toute simple, aucun gouvernement ne pourra être formé.

    Heureusement, les électeurs, plus éclairés que les apparatchiks, ont bien compris ce problème et cet enjeu. Dans les sondages, ils plébiscitent la solution d'une grande coalition allant de la gauche gouvernementale à la droite républicaine. Lorsqu'ils sont un peu plus pressants sur les députés du NFP, ceux-ci vont pouvoir enfin prendre leur responsabilité. L'idée générale est : débrouillez-vous pour vous mettre d'accord, seul, l'intérêt national compte. Visiblement, on en est encore loin.



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (25 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (32) : Le casse-tête de Lucie Castets.
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     





    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240723-lucie-castets.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-32-le-casse-tete-256003

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/23/article-sr-20240723-lucie-castets.html


     

  • Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO

    « Personne ne peut appliquer son programme (…) : ni le nouveau front populaire, ni la majorité sortante, ni la droite républicaine ! » (Emmanuel Macron, le 23 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Le Président de la République Emmanuel Macron s'est invité au journal de 20 heures de ce mardi 23 juillet 2024 sur France 2. Le fait que ce fût sur une chaîne du service public n'était pas anodin, après les propositions de privatisation de France Télévisions formulées par le RN avant les élections législatives. France 2 et France 3 seront aussi les chaînes des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) qui commenceront en fin de semaine, le vendredi 26 juillet 2024 à Paris.

    Il était donc normal que le chef de l'État honorât de sa présence tout le dispositif tant de la cérémonie d'ouverture que celui des plateaux de télévision. Il était à un studio placé, il me semble, sur le toit du Trocadéro qui sera utilisé par les présentateurs des émissions sur les JOP.

    Le chef de l'État a précisé deux ou trois choses sur les JOP. Par exemple, la décision de refuser la Russie aux Jeux olympiques n'est pas celle de la France mais celle du CIO (Comité international olympique), tout comme la décision d'accepter Israël : « Les athlètes israéliens sont les bienvenus ! ».

    Emmanuel Macron est un passionné des sports et cela se voyait peut-être un peu trop à son visage réjoui et à la mine excitée qui semble en déphasage avec l'issue des élections législatives. Pour les Jeux olympiques (je me permets de ne pas rajouter systématiquement "et paralympiques" pour faire un peu plus court), c'est un projet qu'Emmanuel Macron n'a pas demandé (la demande datait de 2012), mais qu'il a mené jusqu'au bout avec beaucoup de rigueur entre 2017 et 2024. Il est aussi passionné par cette France qui gagne, et quoi de plus gagnant que cette France des champions sportifs, des médailles d'or (apparemment, on attend de la France qu'elle soit au Top 5 voire Top 3 des nations les plus médaillées, ce qui est très ambitieux). Enfin, il est passionné aussi par l'optimisme et la pensée positive et il est persuadé que ces quelques semaines estivales olympiques sera un moment très particulier de concorde nationale, comme on l'a vécue pendant les coupes du monde de football lorsque l'équipe de France allait jusqu'en finale voire la gagnait (1998, 2006, 2018, 2022).

    Ainsi, Emmanuel Macron serait un excellent Monsieur Loyal de la cérémonie d'ouverture, dans le secret des dieux pour ce qui est l'organisation, les surprises, les artistes qui se produiront voire les sportifs qui tiendront en dernier la flamme olympique. On apprenait juste avant l'interview présidentielle que l'avion de Céline Dion venait d'atterrir en France, laissant entendre, comme cela se murmurait depuis quelques semaines, que la chanteuse à la santé défaillante pourrait faire partie du spectacle : « Je serai immensément heureux si elle pouvait être de cette cérémonie d'ouverture, comme tous nos compatriotes. ». Le spectacle de vendredi, conçu et supervisé par Thomas Jolly, promet d'être grandiose et exceptionnel, sur la Seine : « On verra tous à partir de vendredi soir pourquoi ça valait la peine. ».

     

     
     


    C'est pour cette raison qu'il entend bien appliquer la trêve politique qu'il prône depuis quelques jours, une trêve olympique, jusqu'à au moins au milieu du mois d'août 2024, en reconnaissant que peut-être qu'elle n'irait pas jusqu'aux Jeux paralympiques qui arrivent très tardivement à la fin de l'été : « De manière évidente, jusqu'à la mi-août, on doit être concentré sur les Jeux. Et puis à partir de là, en fonction de l'avancée de ces discussions, ce sera ma responsabilité de nommer un Premier Ministre ou une Première Ministre et lui confier la tâche de constituer un gouvernement et d'avoir le rassemblement le plus large qui lui permette d'agir et d'avoir la stabilité. ».

    Car Emmanuel Macron devra être aussi un nouveau Monsieur Loyal, celui de vie politique qui promet d'être difficile pour les prochains mois. Le Président de la République a réexpliqué les raisons de la dissolution, sans forcément plus convaincre, certain, sans cela, qu'une motion de censure aurait été votée pendant la discussion budgétaire et donc, préférant dissoudre dès l'été pour pouvoir préserver la période de discussion budgétaire.

    Sans plus convaincre parce que la motion de censure n'était pas assurée, son adoption aurait été provoquée par le groupe LR et aujourd'hui, il y a des discussions entre les macronistes et LR, mais sans être capable d'assurer une majorité absolue au contraire de la précédente législature. En cas de réussite des discussions, pour constituer un gouvernement viable, Emmanuel Macron n'entend pas dissoudre jusqu'en 2027.

    Emmanuel Macron a regretté que les députés RN n'aient eu pas leur juste répartition de postes au sein du bureau de l'Assemblée (alors que le groupe EPR avait réservé des places au groupe LR sur le quota RN), expliquant qu'il n'y a pas de « sous-député », et il a été choqué par le refus de serrer la main au jeune scrutateur RN de la part des députés insoumis, « mais pas seulement » (en effet, Agnès Pannier-Runacher avait également refusé de serrer la main).

    Il a rappelé ainsi ce qu'il avait affirmé dans sa lettre aux Français : son parti avait perdu ces élections législatives, mais personne ne les avait gagnées, ni le RN, ni le NFP. Par conséquent, le seul moyen qu'un gouvernement puisse exister, c'est qu'il repose sur une base solide proche de la majorité absolue, soit tout l'arc républicain. Comme le rappelait le sénateur Claude Malhuret le 18 juillet 2024 : « Pas de front national, pas de front populaire : la seule hypothèse possible est celle du front républicain. Elle suppose, comme chez nos voisins, mais à rebours des traditions françaises, l’alliance de tous les démocrates, depuis la droite républicaine jusqu’à la gauche de gouvernement. ».

    Les accords entre le premier et le second tours pour faire barrage au RN doivent être assumer après le second tour : ce que les Français ont demandé, c'est de s'entendre entre républicains. C'est ce que n'a absolument pas compris la gauche qui reste dans une sorte de déni de défaite, croyant fermement le bluff originel de Jean-Luc Mélenchon alors qu'un gouvernement exclusivement NFP et donc insoumis se ferait immédiatement censuré par les autres groupes de l'Assemblée.

    La question lui a bien sûr été posée : les apparatchiks du NFP étaient arrivés à un accord à 19 heures, juste avant l'interview présidentielle, pour mettre mal à l'aise le Président de la République. C'est bien l'inverse qui s'est produit. L'accord, c'était sur le nom du Premier Ministre supposé du NFP : une femme de 37 ans inconnue de tous (sans même de page de Wikipédia !), une technocrate obscure directrice des finances et des achats de la Ville de Paris surendettée, une personne certainement très estimable, proche d'Anne Hidalgo, mais qui n'a ni une expérience politique ou parlementaire capable de naviguer dans une Assemblée difficile sans majorité, ni une expérience professionnelle qui garantirait qu'elle puisse diriger le gouvernement de la sixième puissance mondiale. J'y reviendrai certainement, mais disons tout net qu'à ce petit de jeu-là de téléréalité stupide, Jordan Bardella aurait plus de légitimité car il est un politique, au moins.

     

     
     


    En fait, le NFP a eu le tort d'annoncer leur décision juste avant cette interview : il croyait mettre en difficulté Emmanuel Macron mais la réalité médiatique, c'est que l'écho de l'annonce s'est noyé dans l'écho médiatique de cette interview. La proposition de Lucie Castets (on parie sur les jeux de mots), c'est encore une fois se moquer des Français qui n'avaient pas voté pour cela. Un internaute sans pitié a réagi à son tweet d'acceptation (acceptation de quoi ? Jusqu'à nouvel ordre, la Constitution dit que c'est le Président de la République qui nomme le Premier Ministre et pas les apparatchik du NFP) ainsi : « Manu t’a dit non. C’est dommage, parce qu’elle avait l’air d’avoir bien géré le budget à la ville de Paris. ». Un autre, pas plus charitable : « Sur ton CV. Première Ministre : 48 heures ». Un troisième plus réaliste : « Bravo, vous êtes dans le Guinness Book du Record du plus éphémère Premier Ministre de la Ve République avec 1 seconde et 10 centièmes ! ». Un autre dans l'anti-élitisme primaire : « Énarque et incapable de calculer des %. Le mal de notre pays. ». Un cinquième qui a tout compris : « Ce #NouveauFrontPoplulaire est un spectacle trop cher dont le casting ne comporte que des figurants et des seconds rôles. ».

    Emmanuel Macron n'a donc pas l'intention de la nommer à Matignon, du moins actuellement, tant qu'elle ne démontre pas qu'elle est soutenue par des forces parlementaires suffisantes. Il a répété pour ceux qui étaient dur à la comprenotte : « La question n'est pas un nom. La question, c'est quelle majorité peut se dégager à l'Assemblée pour qu'un gouvernement de la France puisse passer des réformes, passer un budget et faire avancer le pays. ».

    Le Président de la République n'a pas eu de mal à démontrer que le NFP n'avait pas de majorité à l'Assemblée : la preuve, c'est qu'il n'a même pas été capable de faire élire André Chassaigne au perchoir. Yaël Braun-Pivet a su rassembler plus de députés que le NFP.

    Ce qui est terrible, c'est que la gauche n'arrive pas à admettre qu'elle n'a pas de majorité à l'Assemblée. Que les insoumis poursuivent le gros bluff de leur gourou, c'est de bonne guerre, mais ceux des partis qui se croient encore de gouvernement, réveillez-vous ! Les Français ne veulent pas du programme du NFP ! Au contraire, ils ont voté très à droite, et c'est la raison pour laquelle le pacte législatif présenté lundi par Laurent Wauquiez « va dans le bon sens » selon Emmanuel Macron.

    Finalement, la défaite du RN le 7 juillet 2024 est du même ordre que la défaite de Jean-Marie Le Pen le 5 mai 2002 : un front républicain qui a fait que beaucoup de voix de gauche ont voté Jacques Chirac en 2002 comme beaucoup de voix de droite ou du centre ont voté pour le candidat du NFP en 2024 (et réciproquement). L'erreur de Jacques Chirac a été de nommer un gouvernement uniquement UMP sur une assise beaucoup trop restreinte qui ne correspondait pas à son électorat du second tour. Ce qui n'était pas le cas d'Emmanuel Macron en 2017 et 2022 car jamais Jean-Luc Mélenchon n'a appelé à voter Emmanuel Macron au second tour (au contraire de François Fillon en 2017).

    La répartition des groupes parlementaires montre qu'il n'y a pas besoin de réflexion politique très approfondie pour le comprendre : l'arithmétique suffit. Pour avoir une majorité, il faut un compromis entre plusieurs alliances au sein de l'Assemblée, entre le bloc central et le bloc de gauche. Tant que ce dernier refuse cette réalité, aucun gouvernement ne pourra durablement exister. Il y a urgence : le 1er octobre 2024, une premier projet de loi de finance doit être déposé à l'Assemblée. La balle n'est pas à l'Élysée, mais dans les différents groupes. Ils doivent négocier un compromis (quel gros mot !) pour un programme minimum (un... PGCD : plus grand dénominateur commun, et pas plus petit, je m'adresse aux journalistes qui estropient les maths). C'est d'ailleurs ce que les Français demandent quand on les sonde.

    En attendant, joyeux JO !



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (23 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (31) : Emmanuel Macron et les joyeux JO.
    Interview du Président Emmanuel Macron le 23 juillet 2024 sur France 2 (vidéo intégrale).
    Claude Malhuret au Sénat : le spectacle continue !
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240723-macron.html

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    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/23/article-sr-20240723-macron.html

     

  • Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?

    « Pour donner un gouvernement à la France, il faudra que les forces politiques hier adverses entament des discussions pour former une majorité de projets. Cet objectif implique que chaque force politique pose ses conditions mais aussi accepte celles de ses concurrents. C’est le principe même de la coalition parlementaire et le quotidien de la quasi-totalité des démocraties européennes. Pourtant, depuis dimanche, le nouveau front populaire fonce tête baissée, comme si aucune de ces réalités démocratiques n’existait. Ils veulent appliquer leur programme comme s’ils avaient une majorité pour le faire. Ils prétendent désigner le Premier Ministre, comme si celui-ci avait, de manière automatique, le soutien de la majorité de l’hémicycle sans discussion préalable sur sa feuille de route ou ses priorités. » (Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, "Le Monde" le 9 juillet 2024).



     

     
     


    La situation politique de la France a de quoi être inquiétante en raison de l'absence de majorité à l'Assemblée Nationale. N'hésitant pas à prendre les Français pour des imbéciles, Jean-Luc Mélenchon a tweeté ce samedi 20 juillet 2024 : « Le nouveau front populaire a la majorité. Maintenant, il faut nommer un Premier Ministre NFP sans tarder. Assez de déni du vote des Français. ». Tel un gâteux, en l'occurrence Jean-Luc Harpagon, qui répéterait en courant : Ma cassette ! Ma cassette !

    Son raisonnement est complètement déficient : il considère que sous prétexte que le bureau de l'Assemblée est majoritairement à gauche (alors que le NFP aurait dû laisser quelques places au groupe RN qui méritait, tout autant que la gauche, d'être représenté au bureau), le NFP est majoritaire. Si le bureau est à gauche, c'est simplement par une magouille politicienne du NFP qui, à trois heures du matin, a profité que quelques députés macronistes étaient partis se coucher, ne résistant pas au sommeil, pour devenir hégémoniques parmi les secrétaires (neuf sur douze, plus deux LIOT élus par la gauche). Seule, une députée Horizons a sauvé son fauteuil de secrétaire parce qu'Alexis Corbière n'était pas assez soutenu par les insoumis (cela donne une idée de la grande tolérance qui règne à gauche). Les résultats de ce vote ne sont donc pas vraiment significatifs de la réalité des rapports de force dans l'hémicycle, même si l'un des impératifs évidents dans ces moments de grands votes, c'est de ne pas aller se coucher !

    Mais Jean-Luc Mélenchon prend les Français pour des imbéciles aussi parce que, même si le NFP avait la majorité absolue (ce qui, je le répète, n'est pas du tout le cas puisqu'il lui manque une centaine de députés pour cela), il demande à Emmanuel Macron (sans le dire explicitement mais c'est bien cela) de nommer un Premier Ministre NFP alors que cela fait quinze jours que le NFP s'étripe pour sortir un nom. Jean-Luc Mélenchon voudrait-il déléguer à Emmanuel Macron le choix du Premier Ministre ?

    Peut-être après tout, et c'est certainement ce que le Président de la République fera, comme le précise l'article 8 de la Constitution : « Le Président de la République nomme le Premier Ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur la proposition du Premier Ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leurs fonctions. ». C'est même une compétence exclusive du Président de la République. L'article 8 n'est pas : « Jean-Luc Mélenchon nomme le Premier Ministre. »,heureusement !

    Et il y a une forte probabilité que le Président de la République ne nomme pas un Premier Ministre NFP pour faire le programme du NFP. Pour la raison très simple, avec la démonstration du 18 juillet 2024, celle de l'élection au perchoir : le candidat du NFP André Chassaigne n'a su rassembler sur son nom que 207 députés, tandis que Yaël Braun-Pivet en a rassemblée 220. L'avance est courte, la majorité absolue très loin d'être atteinte, mais à ce petit jeu de celui-qui-a-la-plus-grande (représentation, bien sûr), incontestablement, dans cette Assemblée impossible, c'est le bloc central, à savoir l'ancienne majorité parlementaire ajoutée aux députés LR, qui ont la plus forte représentation parlementaire. Et pas le NFP.

    Qu'on ne me dise pas que LR et les macronistes sont incompatibles : sur le fond, ils sont très peu éloignés, au point que les principaux leaders du macronisme, à l'exception notable de deux Premiers Ministres (Élisabeth Borne et Gabriel Attal), sont tous issus de LR : Édouard Philippe, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Éric Woerth, Sébastien Lecornu, Catherine Vautrin, Rachida Dati, Christophe Béchu, Franck Riester, Aurore Bergé, etc. De fait, il y a beaucoup plus de proximité idéologique entre LR et le groupe EPR (Ensemble pour la République) qu'entre un député socialiste et un député insoumis, qu'entre Jérôme Guedj et Louis Boyard, qu'entre François Hollande et Jean-Luc Mélenchon.

    L'élection du bureau de l'Assemblée Nationale a d'ailleurs montré que si le NFP était parfaitement solidaire entre ses membres, le bloc présidentiel et LR étaient aussi parfaitement solidaires entre eux. Au détriment du RN, d'ailleurs. Cette solidarité de vote est plutôt rassurante et évoque la fiabilité d'une alliance entre eux.


    Sur le fond et le cheminement, les dirigeants de LR ont pour l'instant joué une partition assez pertinente. Loin de vouloir évoquer les personnes, les fauteuils, au contraire du NFP, les dirigeants de LR ont parlé de fond, de politique gouvernementale, de ce qu'ils voulaient ou pas pour le prochaine gouvernement, sur différents sujets. Les négociations sont en cours pour faire une sorte de contrat de gouvernement. Eux respectent leurs électeurs, car ils répondent à la question : que va faire le prochain gouvernement ? Alors que les dirigeants du NFP ne cherchent qu'à répondre à des questions de carrières et d'ambitions personnelles : qui va gouverner ?

    Évidemment, on pourra toujours dire que pour le NFP, l'idée est d'appliquer le programme du NFP, mais le problème, et tout le monde au NFP le sait, et trompe ainsi les Français et surtout ses électeurs, le programme du NFP n'est pas applicable car il n'est ni cohérent ni sérieux dans l'intérêt de la France. Il n'était qu'un catalogue à la Prévert de mesures totalement démagogiques afin de rapporter le maximum de voix. Et les auteurs de ce programme (entre autre Clémence Guetté, qui a trouvé un beau fauteuil de première vice-présidente, élue grâce aux voix du RN et jamais n'elle aurait ce titre de première vice-présidente sans le RN, il faudra s'en souvenir le cas échéant) n'ont pas hésité à alourdir la barque car ils n'imaginaient pas une seconde qu'ils pourraient être en position de revendiquer le gouvernement, car aussi ils n'imaginaient pas que le bloc central, y compris LR, a joué parfaitement le jeu du front républicain pour empêcher l'arrivée au pouvoir du RN. Rappelons-nous l'argument spécieux de Dominique Strauss-Kahn : préférez un candidat insoumis au candidat RN car, de toute façon, les insoumis n'arriveront jamais au pouvoir et donc, vous ne craignez pas que le mauvais programme du NFP puisse être appliqué.

    Plus concrètement, Laurent Wauquiez, qui a repris la main sur le groupe LR (en changeant d'appellation mais je vais rester avec le nom du parti pour rester clair), a pourtant déclaré dès le 10 juillet 2024 qu'il n'était pas question de "coalition"... mais plus tard, LR a parlé de "pacte législatif"
    qui sera présenté ce lundi 22 juillet 2024. Si on essaie de bien comprendre, cela voudrait dire que LR ne veut pas participer au prochain gouvernement, mais il propose un pacte, c'est-à-dire un contrat sur le fond pour ne pas censurer le futur gouvernement. La différence est assez mince car il faut bien que des personnes appliquent la feuille de route.

    Or, le prochain gouvernement ne peut raisonnablement pas être dirigé par un membre du parti présidentiel. Certes, Gabriel Attal aurait toutes les compétences pour le faire, mais politiquement, cela n'aurait aucun sens, et serait anti-électoral (plus qu'antidémocratique). À mon sens, le chef du prochain gouvernement ne pourrait être que... LR. Mais un LR compatible aussi avec le centre gauche voire la gauche. À ce petit jeu, il n'y en a pas des trente-six. Surtout qui le veuillent bien. Le nom de Xavier Bertrand revient souvent parce qu'il n'y en a pas beaucoup d'autres. Il a l'originalité d'avoir battu deux fois le RN aux élections régionales dans le Nord et Picardie (les Hauts-de-France), en faisant des actions communes LR et PS. C'est d'ailleurs le seul qui a parlé de nommer un gouvernement provisoire de la République française.

    C'est sûr que ce serait casse-cou d'aller à Matignon aujourd'hui, en 2024, lorsqu'on a l'élection présidentielle de 2027 à l'esprit, mais c'est si loin, 2027. Et l'expérience peut aussi réussir : après tout, Édouard Balladur a été très populaire (qui l'aurait parié avant 1993 ?). L'ennui, bien sûr, c'est que cela donnerait un nouveau rival à Laurent Wauquiez qui bénéficie, aujourd'hui, de la vacuité de leadership chez LR.

    Il y a trois énormes différences pour LR entre la situation en 2022 et en 2024 : d'une part, la partie lepéniste de LR du groupe LR est partie avec Éric Ciotti chez Marine Le Pen ; d'autre part, les députés LR de 2024 sont des rescapés du front républicain et n'ont plus été élus contre un candidat macroniste comme en 2022, mais contre un candidat RN et aussi grâce aux électeurs macronistes ; enfin, et c'est peut-être le principal, Emmanuel Macron n'aura pas l'ascendant politique sur le prochain gouvernement qui proviendra principalement de l'Assemblée Nationale. Par conséquent, l'hypothèque Macron est levée, en 2024, d'autant plus facilement que le Président de la République n'a pas le droit de solliciter un troisième mandat, ce qui le place hors-jeu dans tous les cas de figure.

    Ces différences devraient amener Laurent Wauquiez à évoluer sur le "pas de coalition" (c'est-à-dire, pas de ministres LR). Avec la question : comment les électeurs LR pourraient-ils comprendre que les responsables LR attendent tranquillement les mains dans leurs poches dans l'opposition sans travailler pour la France, sans remonter leurs manches, voire en laissant un gouvernement d'ultragauche détruire la France ? L'intérêt national les oblige à ne pas rester inertes et à s'engager activement au gouvernement, comme les y encourage très vivement l'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin.

    Pour autant, un gouvernement EPR-LR n'aurait qu'un soutien d'environ 220 députés, ceux qui ont réélu Yaël Braun-Pivet au perchoir, loin des 289 de la majorité absolue. Certes, il aurait la bienveillance du groupe RN qui n'a pas la vocation à censurer un gouvernement du centre ou de droite car le RN le préférerait à un gouvernement d'ultragauche avec des ministres insoumis. Mais cela signifie que ce gouvernement aurait une épée de Damoclès et que du chantage politique pourrait avoir lieu régulièrement. Le RN est assez malin pour faire le jeu constructif de réussir à obtenir deux ou trois mesures spécifiques pour négocier leur bienveillance. La question sera : jusqu'à quel point cette bienveillance serait considérée, chez leurs électeurs respectifs, comme une collusion, voire une trahison.


    C'est bien le problème à gauche. La crainte d'être traité de traître. Pourtant, le prochain gouvernement devra forcément bénéficier de la bienveillance, sinon plus, du groupe socialiste. Ils sont 66 députés, avec les 220 du bloc central, cela donnerait 286, soit la majorité absolue (289) car ce qu'il faut au prochain gouvernement, c'est d'éviter d'avoir une majorité absolue contre lui.

    Xavier Bertrand serait, là aussi, le plus apte pour faire ce pacte républicain avec les socialistes sur des sujets très concrets. Il se revendique du gaullisme social (ce qui ne veut pas dire grand-chose, le gaullisme lui-même est d'essence sociale, mais comme les mots font tilter les cœurs, disons-le quand même). Il avait soutenu Philippe Séguin en son temps (lointain) et une alliance plus ou moins assumée entre le bloc central et le PS aurait aussi un sens électoral et politique, celui du front républicain. Xavier Bertrand serait le mieux placé pour diriger ce gouvernement de front républicain.

    Je n'ai pas de sympathie particulière pour Xavier Bertrand et je ne le crois pas capable d'être un bon candidat à la Présidence de la République, mais je considère que dans la situation parlementaire actuelle, il serait le Premier Ministre idéal. Et d'ailleurs, qui d'autres ? Il faut que une personnalité qui soit à la fois dynamique (arrêtons de chercher chez les vieillards de 70 ans !), très expérimenté aussi (pas des p'tits jeunes), qui connaisse excellemment bien le fonctionnement de l'Assemblée Nationale, qui soit positionné plus à droite que le parti présidentiel car les électeurs ont montré qu'ils étaient plus à droite qu'hier, mais qui soit capable aussi de conclure un modus vivendi avec les socialistes. Et en plus, qui soit un politique, déjà connu car il faut que ce soit sa personnalité politique déjà forte qui donne autorité à un gouvernement qui va avoir une assise forcément fragile.


    C'est pour cela il faut du temps pour la construction d'un tel gouvernement. D'abord, amener à convaincre LR que le seul salut, leur seul salut politique et le seul salut national du pays, c'est de participer à un gouvernement d'action. Ensuite, se tourner vers les socialistes, le temps de digérer l'éclatement probable du NFP, sur la base d'un front républicain et d'un esprit de responsabilité.

    Les Français seront très attentifs au comportement des uns et des autres et décideront en 2027 en fonction de cette année cruciale. Tout est inquiétant, dans la situation actuelle, mais tout est aussi enthousiasmant : la situation nouvelle crée de nouvelles opportunités politiques. C'est à ce moment charnière qu'on voit si les acteurs politiques sont à la hauteur de l'enjeu ou pas. C'est le moment de changer les lignes. C'est le temps de l'audace.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (30) : coalition ou pacte ?
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-coalition-pacte.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-30-coalition-ou-255949

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-coalition-pacte.html



     

  • Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale accouché dans la douleur

    « J’invite mes collègues de tous bords, notamment les plus jeunes d’entre nous, bouillants d’une ardeur militante mais aussi peut-être de l’impatience et parfois de l’intransigeance de la jeunesse, à entraîner cette assemblée par le dynamisme positif de leurs idées. Il me semble que personne ne souhaite revivre les débordements malheureux qu’on a pu connaître dans la précédente législature et qui, je le crois, ne renvoient pas une image exemplaire de notre institution. (…) Politesse et politique sont intimement liées. Les joutes verbales, les plus belles, c’est-à-dire les plus élevées, sont généralement les plus courtoises, les plus subtiles et les plus spirituelles. Elles disqualifient les absurdes vociférations et les puériles invectives. » (José Gonzalez, doyen d'âge, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Après la brillante réélection de Yaël Braun-Pivet au perchoir le jeudi 18 juillet 2024, les députés de la XVIIe législature se sont concentrés sur la désignation de leur "staff". Un mot peu approprié pour l'Assemblée Nationale de France mais qui signifie, pour moi, les autres responsabilités très importantes pour faire fonctionner l'Assemblée, à savoir le bureau de l'Assemblée Nationale comprenant, en plus de la Présidente, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires, eux désignés le vendredi 19 juillet 2024, et le lendemain, samedi, les huits présidents des commissions permanentes. Ces derniers appartiennent à la conférence des présidents, ainsi que les présidents des onze groupes politiques constitués, conférence qui se réunit très régulièrement notamment pour fixer l'ordre du jour en association avec un représentant du gouvernement (maintenant qui n'existe plus). Appartenant aussi à la conférence des présidents un responsable essentiel de l'Assemblée, numéro deux en importance après la Présidente, à mon sens, le rapporteur général du budget, fonction essentielle puisque l'une des premières missions du Parlement est de voter chaque année la loi de finance pour l'année suivante, et ce sera pour cette Assemblée sans majorité le principal sujet de préoccupation après les vacances estivales.
     

     
     


    Comme toujours, la désignation des personnes se fait au scrutin à bulletin secret à trois tours, deux tours à la majorité absolue, le troisième tour éventuellement à la majorité relative. Pour chacun des postes, l'ordre protocolaire est l'ordre décroissant du nombre de voix obtenues, et en cas d'égalité, le plus âgé passe devant le plus jeune.

    Dans cette Assemblée, deux, voire trois difficultés existent en dehors de l'ordinaire.

    Certaines fonctions nécessitent de savoir si le député est de l'opposition ou de la majorité : ainsi, la présidence de la commission des finances est réservée à un membre de l'opposition depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy afin de renforcer le contrôle sur le gouvernement (qu'on imagine moins bienveillant avec un membre de l'opposition qu'un membre de la majorité). Or, comme il n'y a plus de gouvernement, les groupes ont du mal à se déterminer sur leur appartenance à la majorité ou à l'opposition. Ce qui a prévalu ici, c'est que les trois groupes de l'ancienne majorité parlementaire le restent (Ensemble, Horizons, MoDem), à titre provisoire, selon le prochain gouvernement, et les huit autres groupes se sont déclarés dans l'opposition, y compris ceux du NFP alors qu'ils revendiquent faire partie de la majorité !

    La deuxième difficulté, c'est la structure tripartite de l'Assemblée qui ne permet pas de majorité claire et nette. Il y a donc eu des surprises dans certaines désignations. Enfin, troisième difficulté, le NFP et le groupe Ensemble ont annoncé qu'ils ne voteraient pour aucun membre du RN dans ces désignations, perpétuant un front républicain au-delà de la sphère électorale, ce qui a fonctionné, mais aussi ce qui a victimisé le groupe RN qui n'a rien eu alors qu'il représente un tiers de l'hémicycle, et surtout 10,6 millions d'électeurs. C'est une grave erreur, à mon sens, d'avoir voulu isoler les députés RN de toute responsabilité dans le fonctionnement interne de l'Assemblée, alors qu'ils ne l'avaient pas été dans la législature précédente (il y avait eu deux vice-présidents, Sébastien Chenu et Hélène Laporte, qui avaient présidé les séances de manière satisfaisante et reconnus de tous).

     

     
     


    D'ordinaire, il n'y a pas de vote pour ces désignations dans la mesure où l'ensemble des présidents de groupe (qui se sont réunis dans la matinée du 19 juillet 2024) se mettent d'accord pour une répartition proportionnée. Cette fois-ci, non, puisqu'il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, si bien qu'il a fallu voter et cela a pris énormément de temps (jusqu'à neuf voire dix opérations de vote, en fait moins car le troisième tour n'a pas été nécessaire pour les deux premières désignations, mais le premier scrutin a été annulé). Bref, cela signifie que le bureau de l'Assemblée a été complètement désigné dans la nuit du 19 au 20 juillet 2024 à 4 heures 10 du matin !


    1. Les 6 vice-présidents de l'Assemblée Nationale

    Huit candidatures ont été déclarées : Clémence Guetté et Nadège Abomangoli pour les insoumis ; Sébastien Chenu et Hélène Laporte pour le RN ; Roland Lescure pour Ensemble ; Naïma Moutchou pour Horizons ; Annie Genevard et Xavier Breton pour LR.

    Premier coup de théâtre avant le premier tour. Le groupe RN a annoncé qu'il voterait pour six candidats qu'ils ont estimés représentatifs de l'Assemblée : Sébastien Chenu et Hélène Laporte, bien sûr, mais aussi Clémence Guetté, Nadège Abomangoli, Naïma Moutchou et Xavier Breton. Une position qui n'a pu que mettre mal à l'aise le groupe insoumis puisque, effectivement, ses deux vice-présidentes ont été élus par les voix du RN !
     

     
     


    Mais à l'issue du premier tour, c'était la stupeur et le deuxième coup de théâtre, à 17 heures 25, après près de deux heures trente de travail : le scrutin a été annulé car on a trouvé dix enveloppes de trop par rapport au nombre de votants. Avec une erreur d'une ou deux enveloppes, on peut imaginer une erreur, une négligence, une maladresse. Dix, cela fait beaucoup. Avec la conclusion qui s'est vite imposée dans l'hémicycle : on a cherché à frauder ! Les députés ont donc dû recommencer leur premier tour.

    Après l'élection des six vice-présidents, le député socialiste Jérôme Guedj a voulu s'indigner de cet incident et a craint la montée de l'antiparlementarisme : même les députés bourrent les urnes ! Il a déclaré : « Nous devons mesurer collectivement l’effet dévastateur d’une telle pratique sur nos principes républicains, auxquels nous sommes tous attachés. Pratique délétère qui a pour conséquence la démonétisation et la décrédibilisation du fonctionnement de cette institution et, partant, de l’ensemble de la démocratie française. Je le dis avec beaucoup de colère et même de rage : honte à ceux qui ont pratiqué cette fraude. Honte à eux ! ». Mais à mon sens, l'indignation de Jérôme Guedj est contre-productive. Les gens ne s'intéressent plus à cette désignation, c'est très technique et sans intérêt politique. C'est faire de la publicité pour cet incident qui entraînerait la progression de l'antiparlementarisme. En revanche, il a eu raison de demander une enquête transparente : « Il faut que soit menée, dans la plus grande transparence, une enquête approfondie afin de comprendre ce qui s’est passé. Par ailleurs, pour qu’une telle fraude ait pu avoir lieu, il a fallu, certes, l’intention maligne de ceux qui l’ont commise, mais nous devons aussi étudier les modalités de ces élections afin de les améliorer considérablement et d’abandonner une forme d’à peu près, je ne veux pas parler d’amateurisme, qui n’est pas à la hauteur de la démocratie française. ».

    À 19 heures 10, à l'issue du premier tour renouvelé, quatre vice-présidents ont été élus : Clémence Guetté avec 337 voix (sur 558 votants), qui devient première vice-présidente, Naïma Moutchou avec 338 voix (elle n'est pas première vice-présidente car ce poste est réservé à l'opposition et elle s'est déclarée de la majorité), Nadège Abomangoli avec 327 voix et Xavier Breton avec 325 voix. Les deux candidates insoumis ont été élues par le NFP et le RN, et les deux autres candidats ont été élus par le bloc central et le RN.

    L'élection dès le premier tour des deux candidates insoumises a mis en colère notamment le député LR Ian Boucard en s'adressant au RN : « Le premier tour de cette élection nous dévoile le véritable visage du Rassemblement national de Mme Marine Le Pen. En décidant de faire élire deux vice-présidentes de la France insoumise, vous avez fait le choix du chaos. Après avoir fait campagne en expliquant vouloir empêcher l’accession au pouvoir de l’extrême gauche, vous vous rangez aujourd’hui dans le camp du communautarisme. Vous faites élire ceux qui veulent désarmer la police, ceux qui soutiennent les black blocs à Sainte-Soline. Maintenant les choses sont claires : voter Rassemblement national, c’est voter la France insoumise ! ».

    Gérald Darmanin est également intervenu : « Pour le bon déroulement de nos séances, je propose qu’à l’avenir les députés de la France insoumise serrent la main des députés du Rassemblement national puisqu’ils ont été élus avec leurs voix ! ». Ainsi que Mathilde Panot : « Vous, les macronistes, n’avez aucune leçon à donner à la France insoumise et au Nouveau front populaire. (…) Gardez vos leçons de morale pour vous ! Le problème vient de votre proximité idéologique avec le Rassemblement national, des mots que vous utilisez, de la réhabilitation de Pétain ou de Maurras. ». Marc Fesneau a pris à son tour la parole : « Premièrement, il est assez savoureux de vous entendre donner des leçons alors que vous acceptez les voix du Rassemblement national et sachant que, hier, vous nous auriez fait le même procès si la Présidente Yaël Braun-Pivet avait été élue avec trois voix de plus. Deuxièmement, c’est vous qui avez demandé que soit dressé un cordon sanitaire. Or vous êtes en train de le franchir allègrement et je le regrette. Je vous fais donc une proposition simple : puisque vous êtes capables d’être élus sans les voix du Rassemblement national, démissionnez et allons jusqu’au troisième tour. Nous verrons alors si ce que vous dites est vrai. Vous refusez les mains mais, manifestement, vous ne refusez pas les bulletins. ». Ambiance !

     

     
     


    Alors que le député insoumis David Guiraud a remis en cause la présence des dix-sept ministres démissionnaires élus députés, Yaël Braun-Pivet a rappelé un peu de droit : « Monsieur Guiraud, je rappelle une nouvelle fois que nous appliquons strictement les règles votées par cette assemblée. Comme vous le savez très bien, l’article L.O. 153 du code électoral précise que l’incompatibilité... (…) L’article L.O. 153 du code électoral précise, disais-je, que l’incompatibilité entre le mandat de député et les fonctions de membre du gouvernement "ne prend pas effet si le gouvernement est démissionnaire", ce qui est le cas ici. Nous appliquons donc strictement la loi. Il n’y a pas, ici, de demi-députés qui devraient se faire tout petits. Je vois devant moi 577 députés élus par le peuple français. Je vous invite à respecter chacun d’entre eux. ». Quant au député Ensemble Pierre Cazeneuve : « La loi organique, très claire, ne laisse planer aucune ambiguïté s’agissant du droit, pour les ministres élus députés, de voter comme ils l’ont fait lors du scrutin d’hier. Monsieur Guiraud, vous employez des méthodes de trumpiste. Vous refusez le résultat des urnes, vous alimentez la défiance envers notre démocratie. C’est scandaleux. Au lieu de réaliser des vidéos visant à alimenter l’antisémitisme en France, lisez la Constitution. La France insoumise devrait, elle, se faire vraiment toute petite sachant que ses deux vice-présidentes ont été élues grâce aux voix du Front national. C’est une honte ! ».

    Le lendemain, samedi à 18 heures 25, Mathilde Panot a annoncé sur Twitter que son groupe allait déposer un recours au Conseil Constitutionnel pour contester la présence des dix-sept ministres démissionnaires dans l'hémicycle. L'instance suprême a déjà répondu par ailleurs qu'elle se considérait comme incompétente pour traiter ce recours.

     

     
     


    À 20 heures 30 (vendredi), à l'issue du second tour, les deux derniers vice-présidents ont été élus : Roland Lescure avec 273 voix (sur 467 votants) et Annie Genevard avec 257 voix. Les deux candidats du RN Sébastien Chenu (162 voix) et Hélène Laporte (148 voix) ont été battus alors qu'ils avaient été élus vice-présidents en 2022. L'ostracisme contre le RN (de gauche et d'une partie du bloc central) a favorisé... le groupe LR qui, avec seulement 47 députés, a réussi à faire élire 2 vice-présidents ! Cette absence de RN parmi les vice-présidents (et plus généralement parmi les membres du bureau qui, selon l'article 10 du Règlement intérieur de l'Assemblée, devrait représenter équitablement l'hémicycle) est très regrettable pour la démocratie et victimise inutilement les élus RN. En revanche, il faut se réjouir que parmi les six vice-présidents, une majorité, quatre, sont des femmes, plus la Présidente.
     

     
     



    2. Les 3 questeurs de l'Assemblée Nationale

    Ensuite, les députés ont procédé à la désignation des trois questeurs. La fonction est stratégique et même plus importante que la vice-présidence. Éric Ciotti faisait partie des trois questeurs sortants. Quatre candidatures se sont présentées sur le bureau de la Présidente : Christine Pirès Beaune pour le PS, Brigitte Klinkert (sortante) pour Ensemble, Michèle Tabarot pour LR et Bruno Bilde pour le RN.

    À 22 heures 50, à l'issue du premier tour, deux questeurs ont été élus : Christine Pirès Beaune avec 460 voix (sur 550) et Brigitte Klinkert avec 401 voix. Un second tour était donc nécessaire pour départager les deux autres candidats. Ce qui a été annoncé à 23 heures 55 à l'issue du second tour : sans surprise, Michèle Tabarot a été élue avec 251 voix (sur 438 votants) face à Bruno Bilde qui n'a recueilli que les voix de son groupe et alliés (143 voix). Encore une fois, le RN a été isolé dans ce scrutin, et toujours au bénéfice de LR qui, avec 47 députés, a réussi le tour de force d'avoir deux vice-présidents et une questeure. Et il faut noter l'élection de trois femmes questeures (sur trois), c'est sans précédent, ce qui a été aussi souligné en séance publique par Yaël Braun-Pivet : « Il s’agit de trois femmes : je crois que c’est une première dans l’histoire de notre Assemblée. ».

     

     
     



    3. Les 12 secrétaires de l'Assemblée Nationale

    Pour les douze secrétaires, deux ont été élus au premier tour (à 1 heure 30 du matin) : Stéphane Peu (PCF) avec 217 voix (sur 400 votants) et Sébastien Peytavie (EELV) avec 204 ; six autres ont été élus au deuxième tour (à 3 heures 00) : Laurent Panifous (LIOT) avec 329 voix (sur 386 votants), Christophe Naegelen (LIOT) avec 325 voix, Inaki Echaniz (PS) avec 199 voix, Sabrina Sebaihi (EELV) avec 198 voix, Eva Sas (EELV) avec 197 voix et Gabriel Amard (FI) avec 193 voix ; enfin, les quatre derniers secrétaires ont été élus au troisième tour (à 4 heures 05) : Mereana Reid Arbelot (PCF) avec 175 voix (sur 357 votants), Sophie Pantel (PS) avec 172 voix, Farida Amrani (FI) avec 170 voix, et Lise Magnier (Horizons) avec 168 voix.
     

     
     


    Bien que ce fût en pleine nuit, cela n'a pas empêché un coup de théâtre. La gauche était très présente tandis qu'ailleurs, les députés RN et certains députés macronistes avaient déserté l'Assemblée (et pour ces désignations, un député ne peut pas faire de procuration). Entre le deuxième et le troisième tour, la gauche a voulu capitaliser son avantage de présence physique, se voyant en position de force, et a présenté quatre nouveaux candidats, en plus des huit autres candidats déjà présentés dans la course : Mereana Reid Arbelot, Sophie Pantel, Farida Amrani et Alexis Corbière.

    La gauche a presque réussi son coup, puisque trois des quatre nouveaux candidats ont été finalement élus, seul Alexis Corbière (EELV) n'a pas eu assez de voix (165 voix), probablement en raison de manque parmi ses anciens camarades insoumis. Christophe Blancher (MoDem), avec 156 voix, Philippe Gosselin (LR) avec 160 voix, Bertrand Sorre (Ensemble) avec 155 voix n'ont pas été élus. Les autres candidats, Thibault Bazin (LR), Blandine Brocard (MoDem), Sandrine Josso (MoDem) et Annaïg Le Meur (Ensemble) n'ont recueilli qu'entre 1 et 8 voix.

    En raison de ce troisième tour surprenant, le bureau de l'Assemblée Nationale est passé majoritairement à gauche, douze députés NFP sur 22. Cela aura des incidences pour de nombreuses décisions, en particulier pour décider d'une sanction contre un député qui aurait manqué de respect à l'institution. Ce bureau est élu pour un an et sera renouvelé en octobre 2025, sauf nouvelle dissolution, redevenue alors possible.

    Le RN avait retiré ses candidats aux postes de secrétaire, dégoûté par l'ostracisme dont il a été victime aux précédentes désignations. Le 20 juillet 2024, Marine Le Pen a vaguement confirmé que le groupe LR lui avait proposé un vice-président et deux secrétaires mais elle a rejeté l'offre considérant que LR était trop petit pour pouvoir offrir autant de places ! Il y aura probablement une suite sur la réalité de cette offre (qui constitue en elle-même un autre coup de théâtre !), mais la victimisation du RN pour ces nominations ne devrait pas avoir beaucoup d'effet sur les électeurs car ils sont peu au courant des mœurs-là de l'Assemblée.

    Quant à Jean-Luc Mélenchon, il a considéré le 20 juillet que la majorité obtenue au sein du bureau de l'Assemblée prouvait que le NFP était majoritaire et qu'il devait gouverner. Il oublie simplement que cette majorité s'est faite au forceps parce que les députés de gauche ont mieux résisté au sommeil à 4 heures du matin que leur collègues du bloc central, et pas parce que le NFP est majoritaire en nombre !

     

     
     



    4. Les 8 présidents des commissions permanentes de l'Assemblée Nationale

    Le samedi 20 juillet 2024 à partir de 10 heures, chaque commission a désigné son président. Cela s'est fait plus rapidement puisque chaque commission a fait le vote parallèlement. La surprise a eu lieu pour la commission des finances : le groupe LR avait voulu que ce fût une des leurs, Véronique Louwagie, pour qui était d'accord le bloc central. Jean-Philippe Tanguy (RN) était également candidat. Toutefois, c'est Éric Coquerel, le président sortant, qui a été (ré)élu. Paradoxe donc : car les insoumis proclament qu'ils doivent former le gouvernement et ils occupent le seul poste attribué à un membre de l'opposition ès qualités.

    Par ailleurs, Charles de Courson, qui avait été également candidat à la présidence de la commission des finances
    (c'est son retrait entre le deuxième et trois tour qui a favorisé l'élection d'Éric Coquerel), a été élu rapporteur général du budget, battant le rapporteur général sortant Jean-René Cazeneuve. Tous les deux ont obtenu 27 voix, ce qui fait que Charles de Courson, soutenu par la gauche, a été élu au bénéfice de l'âge. Or, antimacroniste pur et dur, bien que centriste, Charles de Courson a peu de chance de faire partie de la prochaine majorité. C'est bien la première fois qu'un membre de l'opposition est rapporteur général du budget ! Pour Jean-René Cazeneuve, Charles de Courson « a bafoué l'esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l’exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy. ».

    Six des huit commissions ont élu un président membre du bloc central grâce à l'alliance avec LR (ils étaient sept sortants). Il y a seulement deux femmes sur huit présidents de commission.

    Président de la commission des lois : Florent Boudié (Ensemble).
    Président de la commission des affaires étrangères : Jean-Noël Barrot (MoDem).

    Président de la commission des finances : Éric Coquerel (FI).
    Président de la commission des affaires sociales : Paul Christophe (Horizons).
    Président de la commission des affaires économiques : Antoine Armand (Ensemble).
    Présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire : Sandrine Le Feur (Ensemble).
    Président de la commission de la défense nationale et des forces armées : Jean-Michel Jacques (Ensemble).
    Présidente de la commission des affaires culturelles et de l'éducation : Fatiha Keloua Hachi (PS).

    Rapporteur général du budget de l'État : Charles de Courson (LIOT).
    Rapporteur général du budget de la sécurité sociale : Yannick Neuder (LR).


    5. Les 11 groupes politiques

    L'ensemble des groupes a fixé l'appartenance politique des 577 députés, dont 8 sont restés non-inscrits (en particulier l'ancien macroniste Sacha Houlié et les anciens LR Aurélien Pradié et Raphaël Schellenberger).

     
     


    1. Groupe RN présidé par Marine Le Pen : 126 députés.
    2. Groupe Ensemble pour la République présidé par Gabriel Attal : 99 députés.
    3. Groupe France insoumise présidé par Mathilde Panot : 72 députés.
    4. Groupe PS présidé par Boris Vallaud : 66 députés.
    5. Groupe LR (appelé Droite républicaine) présidé par Laurent Wauquiez : 47 députés.
    6. Groupe EELV présidé par Cyrielle Chatelain : 38 députés (dont Delphine Batho et Dominique Voynet).
    7. Groupe MoDem (appelé Les Démocrates) présidé par Marc Fesneau (élu face à Jean-Paul Mattei) : 36 députés.
    8. Groupe Horizons présidé par Laurent Marcangeli : 31 députés.
    9. Groupe LIOT présidé par Stéphane Lenormand : 21 députés (dont Valérie Létard et Jean-Luc Warsmann).
    10. Groupe PCF (appelé Gauche démocrate et républicaine) présidé par André Chassaigne : 17 députés.
    11. Groupe À Droite (ciottistes) présidé par Éric Ciotti : 16 députés.

     

     
     



    Épilogue

    Yaël Braun-Pivet a été l'invitée du journal de 20 heures le 20 juillet 2024 sur France 2 à l'issue de ces trois journées d'installation de l'Assemblée Nationale particulièrement mouvementées. Elle a regretté l'absence de députés RN dans le bureau de l'Assemblée Nationale : « Depuis que je préside cette institution, j’ai toujours plaidé pour que toutes les forces politiques soient représentées au bureau (…). Nous avons des règles et avons la possibilité d’avoir un accord des présidents de groupe pour que chacun puisse être représenté à juste proportion au bureau. Les présidents de groupe, notamment ceux du Nouveau front populaire, ont refusé qu’il y ait un accord pour une juste répartition des postes. Et donc, quand il n’y a pas d’accord à l’Assemblée Nationale, il y a un vote. Et là, nous avons vu effectivement un vote absolument stupéfiant, où le Rassemblement national a porté ses voix sur des candidats de la France insoumise, a retiré des candidatures, et donc n’a pas pu être élu à ces fonctions importantes. ».

    Par ailleurs, la Présidente de l'Assemblée Nationale a écarté l'idée d'un gouvernement du NFP : « Il n’est pas majoritaire. Il faut constituer une majorité. Ça se construit, il faut que ce soit l’Assemblée des additions et pas celle des divisions. ». Ça prendra certainement un peu de temps. Les Français partent en vacances, les grosses chaleurs estivales s'installent, les Jeux olympiques et paralympiques vont commencer (le vendredi 26 juillet 2024). Et pour l'instant, aucune perspective concrète de grande coalition, seule capable d'être portée par une majorité à l'Assemblée, ne s'esquisse prochainement.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (20 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (29) : le staff de l'Assemblée Nationale.
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-29-le-staff-de-l-255947

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/20/article-sr-20240720-assemblee-nationale.html




     

  • Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon

    « Comprenez que nous avons le droit, de temps à autre, de réagir et de manifester notre, comment dire, agacement. Mais nous sommes dans une discussion. Si je ne devais tenir compte que de ce qui a été dit par les autres, d'abord, je commencerais par dire : pourquoi m'avez-vous éliminé de la candidature au poste de Premier Ministre ? » (Jean-Luc Mélenchon, le 19 juillet 2024 sur BFMTV).



     

     
     


    Voilà, c'est dit ! Jean-Luc Mélenchon l'a toujours en travers de la gorge de s'est fait éliminer du grand jeu de téléréalité NFP Matignon qu'il avait lui-même créé. Quelles ingrates, ces punaises de lit ! Dans cette interview très significative de Jean-Luc Mélenchon, au siège de son parti sectaire des insoumis ce vendredi 19 juillet 2024, le journaliste Anthony Lebbos, un peu étonné de tant de transparence, a fait préciser : « Vous êtes toujours candidat ? ».

    Réponse du grand prêtre : « Non non, je ne suis candidat à rien... », mais la tête montrait justement le contraire, procédé rhétorique bien connu qui veut démentir ce qu'on devrait confirmer. Car pour lui, il n'y a qu'un seul nom pouvant faire le boulot de cette nouvelle farce populaire (NFP), lui-même. Il l'a d'ailleurs dit un peu plus tard, de manière implicite : il n'y a pas besoin de désigner quelqu'un, le Président voit bien qui serait l'homme de la situation, comme dans les autres précédents de cohabitation, en indiquant par exemple que Jacques Chirac n'avait pas été désigné candidat Premier Ministre au bureau politique du RPR en 1986. Mais l'exemple était mal choisi : Jacques Chirac bénéficiait d'une majorité absolue à l'Assemblée Nationale UDF-RPR, certes serrée, mais absolue quand même, ce qui n'est pas du tout le cas du NFP en 2024 (les chiffres sont têtus).

    Tout au long de cette interview de près d'une demi-heure, ont transpiré l'amertume, la colère, l'agacement du grand gourou en chef, au point que le journaliste en a fait les frais (mais il était prévenu, Jean-Luc Mélenchon a toujours malmené les journalistes). Et on ne sait pas trop bien s'il déteste plus Emmanuel Macron ou plus ses supposés propres partenaires, les horribles socialistes qui se sont portant couchés devant lui et qu'il appelle des punaises de lit, par l'intermédiaire de sa compagne députée, conseillère en communication politique (on ne pourra pas dire qu'elle était maladroite), alors qu'il faut rappeler que dans les années 1930, d'autres forces politiques comparaient d'autres catégories de la population, pas avec des punaises, mais avec de la vermine.

     

     
     


    Mais finalement, peut-être doit-on croire Jean-Luc Mélenchon quand il dit qu'il n'est candidat à rien. Il faut sans doute écouter le cher et sage sénateur Claude Malhuret qui parlait, le 18 juillet 2024 au Sénat, de la « franche la plus radicale, dont le but n'est pas de gouverner mais de rendre le pays ingouvernable ». Car c'est exactement dans cette stratégie du chaos institutionnel que Jean-Luc Mélenchon veut faire plonger la France.

    Le sujet de l'interview est principalement les socialistes et le blocage, non pas à l'Assemblée avec une majorité introuvable, mais chez lui, au NFP, car ils sont incapables de s'entendre depuis deux semaines. Comment pourraient-ils gouverner ensemble ?


    Un peu plus loin, le journaliste a cru entendre que Jean-Luc Mélenchon souhaitait la démission du Président de la République. Il lui a fait donc répéter et il a répondu : « Le sujet, c'est : si monsieur Macron ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement, il ne faudra pas s'étonner que, ensuite, le mot d'ordre de tout le pays, avant la fin du mandat, ce soit Macron démission. Et j'ajoute que je l'ai déjà entendu. ». Si ce n'est pas une menace personnelle, alors je suis la reine d'Angleterre.

    Petit arrêt sur la bande son : il faut traduire. "Ne permet pas à la démocratie de se concrétiser par un gouvernement", cela signifie pour l'insoumis : "Ne nomme pas un gouvernement NFP". Or, tout le problème du raisonnement de Jean-Luc Mélenchon, c'est qu'il n'a pas la majorité absolue, et la séance du 18 juillet 2024 où son candidat au perchoir André Chassaigne a échoué a montré qu'il n'était pas la force politique la plus importante. Sinon André Chassaigne aurait gagné. C'est factuel, lui qui aime bien le factuel.

     

     
     


    Déjà, on voit bien qu'il dit n'importe quoi, car je reviens juste après sur ses premières déclarations qu'Anthony Lebbos a voulu faire préciser. Il disait que de toute façon, le gouvernement NFP serait censuré, et qu'il censurerait le suivant. Donc, même si le Président "permet à la démocratie de se concrétiser", ce ne sera pas bon puisqu'à la fin, Jean-Luc Mélenchon réclamerait la démission d'Emmanuel Macron.

    Certes, juste après cette phrase, il a ajouté : « Moi, je ne souhaite pas que les mandats soient abrégés. Ce n'est pas mon souhait. Je viens de vous dire que j'espère le respect des règles. Mais si le Président de la République rend impossible le fonctionnement des règles, alors, oui, il devra s'en aller. Parce que sinon, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse ? On ne va pas rester sans gouvernement où toutes les semaines, changer de gouvernement avec un vote de censure, vous comprenez, ce n'est pas possible. ».

    "Moi, je ne souhaite pas la démission"... mais il l'a dit avec une telle force d'envie, de rage, que c'est assez peu crédible. C'est clair, il attend une occasion, et il va réclamer la démission du Président de la République. Auquel cas, il serait un vrai insoumis. La faute à Emmanuel Macron a bon dos : aujourd'hui, c'est la volaille du NFP qui est incapable de s'entendre sur un chef. Et un chef de quoi ? D'aucune majorité !

    Le problème, c'est que dans ses raisonnements, il n'y a que des biais, des oublis historiques, des erreurs, et des mensonges. Le principal mensonge, car il n'est pas idiot, c'est de clamer matin midi et soir, depuis le 7 juillet à 20 heures 02 que le NFP avait gagné les élections, qu'il était majoritaire. La réponse objective est non : à cause de cette situation tripartite, personne, aucun camp n'a gagné, et c'est pour cela qu'il va falloir qu'ils travaillent ensemble pour arriver à un gouvernement commun. Sûrement pas en restant obstinément dans cette position : le programme (très dangereux) du NFP, rien que le programme, tout le programme ! Celui-ci n'est approuvé que par 28% des électeurs et 31% des députés, pas plus ! Et encore, grâce à la mécanique très efficace du front républicain. Le camp macroniste n'a jamais dit qu'il avait gagné, il a reconnu au contraire sa défaite, mais tout le monde a échoué, aucune majorité n'existe dans l'état actuel des forces politiques. C'en est même psychologiquement déstabilisant.
     

     
     


    Et il faut revenir à ce raisonnement de Jean-Luc Mélenchon qui ne veut rien que le programme : « Nous ne combinerons pas. Que monsieur Macron prenne la responsabilité de faire déposer contre notre gouvernement une motion de censure. Et ensuite, il verra, une fois notre gouvernement tombé. À notre tour nous voterons une motion de censure contre la droite. Il ne lui restera plus qu'une issue. S'en aller, lui. Parce qu'il y a toujours une solution... ».

    Voilà la stratégie du chaos institutionnel dit très explicitement par Jean-Luc Mélenchon, comme si les institutions étaient un jeu de société où on a du temps à perdre avec des gouvernements morts-nés. Il n'y a aucune raison que le Président de la République nomme un gouvernement dont la probabilité de censure est proche de 100%. D'ailleurs, c'est ce qu'il a indiqué : il nommera un Premier Ministre qui lui prouvera qu'il pourra gouverner avec cette Assemblée, c'est-à-dire qu'il a assez de soutien pour ne pas être censuré immédiatement.

    Pour Jean-Luc Mélenchon, il faut s'amuser avec des gouvernements et des censures pour arriver enfin à son résultat : la démission d'Emmanuel Macron. Il est exact que le candidat gourou a toujours refusé de reconnaître sa défaite et la victoire présidentielle d'Emmanuel Macron tant en 2022 qu'en 2017. C'est grave quand on veut donner tout le temps des leçons de démocratie. La première leçon, c'est de reconnaître sa défaite, de reconnaître les institutions, de respecter les institutions, et les personnes.

    Mais Jean-Luc Mélenchon a senti que le journaliste n'a pas compris son raisonnement. Alors il a repris l'explication plus précisément. Je la couperai pour en donner quelques biais, car tout pue l'intention de tromper intellectuellement ses interlocuteurs.

    Le supposé ex-futur Premier Ministre a répété comment il voyait l'avenir : « Si nous présentons un gouvernement et qu'il applique sa politique, et qu'il est censuré immédiatement, eh bien, nous respecterons la démocratie, il n'y aura plus de gouvernement. Mais en porteront la responsabilité ceux qui auront censuré. À leur tour, ils présenteront un gouvernement, de la droite et du centre, et nous le censurerons. Donc il tombera aussi. Par conséquent, il ne restera plus qu'une personne, et qui ne pourra pas dissoudre l'Assemblée, car la Constitution le lui interdit. Donc, il ne lui restera plus qu'une possibilité, s'en aller. ».

    Je coupe la tirade à cet instant, mais je la continuerai après. Déjà, cela n'a aucun sens, sinon un jeu de combines politiciennes, de nommer un gouvernement si on est sûr qu'il sera censuré deux jours plus tard. En ce qui concerne un gouvernement incluant des ministres insoumis, l'incertitude est nulle : s'il en était nommé un, le bloc central et le RN le censurerait, ce qui donnerait une majorité absolue.

    Quant à porter la responsabilité d'une censure, je suppose que le centre, la droite et l'extrême droite n'auraient aucune réticence à assumer pleinement et ouvertement le vote d'une mention de censure contre un gouvernement truffé d'insoumis, c'est même le principe d'une motion de censure, exprimer institutionnellement son désaccord ! Seulement, le sieur Mélenchon pense d'abord aux socialistes qui tremblent de peur de se faire traiter de traîtres, de fausse gauche par FI.
     

     
     


    En revanche, en cas d'un gouvernement de centre droit, les insoumis le censureraient probablement, cela ne fait aucun doute. Mais l'idée serait aussi de faire participer les socialistes au nom de l'intérêt de la République et du pays. Et la position du RN est également très claire, rappelée par la députée Edwige Diaz, vice-présidente du RN, qui a affirmé sur LCI le 18 juillet 2024 que le RN n'avait pas vocation à censurer un gouvernement de droite ou du centre.

    Il est apparemment des partis politiques qui savent mieux que Jean-Luc Mélenchon où se place l'intérêt national (et certainement pas dans l'ego d'un gourou vieilli et aigri). J'ajoute d'ailleurs que ce vendredi soir, l'élection, dès le premier tour, des deux vice-présidentes insoumises de l'Assemblée (Clémence Guetté et Nadège Abomangoli), s'est produite grâce aux voix du RN, ce qui ne semble pas trop émouvoir les insoumis ! (d'autant plus que le RN n'a plus de vice-présidence lui-même).

    Le patriarche de la lettre phi a poursuivi sa démonstration : « Ce que je veux vous dire, c'est que nous sommes en train de passer d'une situation de crise démocratique, ça ne collait pas, à une situation de crise de régime, et que l'auteur de cette situation est le Président de la République. Donc, il y a toujours le retour aux urnes. La première fois, c'était en renvoyant chez eux les députés. La prochaine fois si tout est bloqué, c'est qu'il s'en aille lui-même. ». Je coupe ici.
     

     
     


    Là encore, beaucoup d'inepties. C'est Jean-Luc Mélenchon qui parle de crise de régime, et lui seul. Il n'y a pas de crise de régime. Juste des partis politiques incapables de s'entendre. L'élection de la Présidente de l'Assemblée Nationale s'est déroulée calmement, normalement, démocratiquement, quasi-courtoisement (poignées de mains exceptées). Il n'y a pas de crise de régime. La crise de régime, c'est quand il n'y a plus d'institutions. Celles de l'Assemblée Nationale sont bien là, même si, effectivement, la situation est nouvelle, plus compliquée surtout parce que nouvelle, un peu comme lors de la première cohabitation.

    Ensuite, je veux exprimer un élément qui est absolument essentiel, fondamental. C'est faux de dire que « l'auteur de cette situation est le Président de la République ». Oui, bien sûr, Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée, et je crois que, encore aujourd'hui, personne (à part lui ?) n'a compris ce geste. En revanche, il avait le droit de dissoudre, le droit d'appliquer cette partie de la Constitution. La situation potentiellement de blocage ne provient pas de la dissolution. Revenir aux urnes est même l'alfa et l'oméga de toute démocratie. Les risques de blocages, la difficulté d'une répartition tripartite de l'Assemblée, ce n'est pas du fait d'Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon oublie simplement qu'il y a eu le peuple, simplement, qui s'est exprimé. Et son expression était partagée, contrastée, compliquée à conclure. En d'autres termes, la dissolution, c'était la prise de température, le thermomètre, pas la maladie. La température, c'est simplement la parole du peuple, parole complexe. C'était au contraire très courageux d'avoir dissous. Le Président de la République l'a d'ailleurs dit : il aurait pu confortablement faire le dos rond et attendre que les choses se passent.

    Dans la suite du raisonnement, Jean-Luc Mélenchon a encore prétendu qu'il ne voulait pas de la démission d'Emmanuel Macron : « Mais ce que je suis en train de dire n'est ni un souhait ni un ordre ni une consigne, c'est un état de fait. Si le Président de la République joue la crise politique avec un gouvernement du nouveau front populaire, à la fin, il ne restera plus qu'une issue, puisqu'il ne peut plus redissoudre l'Assemblée, c'est son propre départ. ».

    Mensonge, ce qu'il a raconté. Car l'impossibilité de la dissolution resterait la même avec la démission du Président de la République. Une nouvelle élection présidentielle avant un an ne débloquerait donc pas la situation à l'Assemblée car le blocage ne proviendrait pas de l'Élysée (il n'en aurait aucun intérêt) mais de l'absence de majorité, même relative. Jean-Luc Mélenchon fait comme s'il avait lui-même une majorité absolue à l'Assemblée. Ce n'est pas le cas. Il faut qu'il se réveille au lieu d'endormir les Français !

     

     
     


    Le raisonnement reste toujours confus : on ne sait jamais s'il reproche à Emmanuel Macron de ne pas avoir nommé de gouvernement NFP dont le Premier Ministre n'a pas encore été identifié ou s'il considère qu'il va encourager les députés à censurer un tel gouvernement. Mais qu'importe, car il faut résumer la pensée mélenchonienne relativement claire : Macron caca, panpan féfesse et ouste, à moi l'Élysée !

    Et puis est arrivée une logorrhée d'histoire vaguement mal digérée : « Entendez-moi bien, on n'est plus dans un jeu de vote, d'astuces, je suis en train de décrire une crise de régime, et le Président de la République conduit le pays à une crise de régime (…). Donc, après un certain moment donné, en quelque sorte pour que la France respire, il faut que lui comprenne que ou il change de pratique, c'est-à-dire ou il se soumet, ou bien il se démet. Cela s'est déjà passé dans l'histoire de France, au moins trois fois, chaque fois que le Président a engagé sa responsabilité en 1924, à la sortie de la Troisième République, ou le Président De Gaulle. Le Président De Gaulle avait engagé sa responsabilité sur le succès d'un référendum. Il l'a perdu, il est parti le lendemain matin. Donc, ce n'est pas nouveau en France et c'est la démocratie. (…) Nous ne participerons pas à un gouvernement qui ne prend pas l'engagement d'appliquer le programme, quelle que soit la forme par laquelle..., on ne nous tordra pas les bras, nous, on restera fidèle à la parole donnée aux électeurs. ». Sauf que les électeurs ont raconté une autre histoire que celle-là. Crise de régime ? À moins que je n'ai pas bien compris qu'il s'agissait de diététique ?

    Je suis même un peu déçu de cette pauvreté intellectuelle de Jean-Luc Mélenchon. Il a parlé de trois références historiques, mais je n'en vois qu'une à peu près pertinente dans ce qu'il a dit : la démission du Président Alexandre Millerand en 1924, car il avait en effet pris parti pendant la campagne des élections législatives en faveur du Bloc national (majorité sortante) et c'est le Cartel des gauches (déjà un cartel électoral !) qui a gagné. Le parti radical majoritaire (Édouard Herriot) a alors fait une grève des Présidents du Conseil, obligeant le Président de la République à démissionner. Mais la situation de 1924 n'a rien à voir avec celle de 2024 : le Cartel des gauches avait la majorité absolue de l'Assemblée et pouvait se permettre de défier le Président de la République.

    Il a évoqué la fin de la Troisième République : quel rapport avec la situation de 2024 ? La Troisième République est tombée en juillet 1940 par le chef du gouvernement lui-même qui a éliminé le Président de la République pour faire sa Révolution nationale (c'était Pétain). Il n'y avait aucune majorité ni aucune Assemblée dans cette affaire, c'était la même Assemblée que celle du Front populaire (le vrai, lui, le seul) élue en 1936 qui a voté les pleins pouvoirs à Pétain qui était déjà le chef de l'exécutif. Albert Lebrun n'a jamais pris parti à rien (c'est d'ailleurs ce que je pourrais lui reprocher).

    Quant au troisième exemple, complètement différent : l'échec du référendum et la démission de De Gaulle, en 1969, encore une fois, cela n'a rien à voir avec 2024. Les historiens évoquent plutôt un prétexte pour quitter glorieusement le pouvoir alors qu'il n'avait pas terminé de rédiger ses mémoires et sa femme Yvonne aspirait au calme et à la tranquillité. Là encore, le "non" au référendum était majoritaire, d'une majorité absolue, rien à voir avec les 31% de députés de l'Assemblée aujourd'hui pour le NFP. De plus, l'échec au référendum n'a pas, par la suite, entraîné la démission du Président de la République : François Mitterrand l'avait exclu en 1992 en cas d'échec du référendum sur le Traité de Maastricht, et Jacques Chirac n'a pas démissionné après l'échec du référendum sur le TCE en 2005.

    En revanche, Jean-Luc Mélenchon a oublié un épisode de la Troisième République beaucoup plus intéressant, avec la fameuse crise politique du 16 mai 1877 : après la dissolution d'une Assemblée devenant de moins en moins monarchiste et de plus en plus républicaine, le Président monarchiste, le maréchal Patrice de Mac Mahon a été sommé par Léon Gambetta de « se soumettre ou se démettre » (discours du 15 août 1877 à Lille). Finalement, l'histoire a retenu qu'il a fait les deux, laissant gouverner un gouvernement républicain puis, refusant certaines nominations d'officiers (il était maréchal de France), il a démissionné le 30 janvier 1879 (près de deux ans après la crise). Mais là encore, il y avait une majorité absolue favorable aux républicains, rien à voir avec 2024.

     

     
     


    On le voit bien aujourd'hui, Jean-Luc Mélenchon, c'est le naufrage de la vieillesse. Un naufrage politique, mais aussi un naufrage intellectuel. Il croit épater ses adeptes avec des raisonnements trompeurs et biaisés, servis par de fausses références historiques. S'il fallait chercher une comparaison historique, il suffirait simplement de regarder la Quatrième République, entre 1947 et 1958. Pendant onze ans, aucune majorité absolue d'un camp, étriqué entre un RPF très à droite et un PCF très à gauche, tous les deux très puissants. Les forces centrales très différentes (SFIO, radicaux, démocrates chrétiens du MRP, républicains indépendants du CNIP et quelques gaullistes républicains sociaux, plus quelques micro-partis de centre gauche) ont dû négocier en permanence pour former un gouvernement, le renverser ensuite sur un sujet bien particulier, puis en renommer un nouveau, etc. Ils ont cependant réussi à s'entendre et la France des années 1950 a été en pleine croissance, en pleine reconstruction, avec une natalité flamboyante et de nouveaux droits sociaux. Et aucune dette, aucun déficit !

    Aujourd'hui, c'est Jean-Luc Mélenchon qui met en danger la République et la démocratie. C'est son sbire Adrien Quatennens (qui n'est plus député), soufflé par son chef, qui voudrait une marche sur Matignon, comme si la rue allait s'opposer aux urnes. C'est la secrétaire générale d'une CGT complètement mélenchonisée qui voudrait mettre sous surveillance l'Assemblée Nationale, c'est-à-dire les représentants du peuple, en oubliant que la Constitution interdit absolument qu'un seul député soit sous pression pour exercer son mandat issu du peuple (article 27 de la Constitution : « Tout mandat impératif est nul. Le droit de vote des membres du Parlement est personnel. »). La dernière pression sur les députés, c'était le 6 février 1934.

    Que Jean-Luc Mélenchon souhaite le pire pour la France, souhaite voir encourage le chaos institutionnel pour tenter de prendre le pouvoir par d'autres moyens que démocratiques, cela ne m'étonne pas, il a toujours été un enragé. Ce qui m'inquiète, c'est quel intérêt les socialistes ont-ils à rester ligotés au fond de la soute à bagages, ainsi malmenés par les insoumis ? Est-ce le syndrome de Stockholm ? En tout cas, il est clair que les socialistes doivent sortir de l'emprise sectaire du mélenchonisme populiste. Certains ont déjà parcouru le chemin, comme Jérôme Guedj ou Raphaël Glucksmann, mais ils sont peu nombreux. Il revient à François Hollande d'éclairer ce chemin, lui qui a été insulté encore très récemment, le 15 juillet 2024 (l'effet punaises de lit).

    Pas facile d'être socialiste quand Olivier Faure est à la tête d'un PS mélenchonisé. C'est toujours très difficile psychologiquement de quitter une secte. On le voit aujourd'hui. Mais c'est la seule voie du salut pour ne pas décevoir leurs électeurs qui ne comprennent pas leurs enfantillages actuelles. Ce n'est pas une adversaire mais bien une membre à part entière du NFP qui a dit ceci : « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. ». Marine Tondelier ne doit pas être la seule...



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (19 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (28) : la stratégie du chaos institutionnel de Jean-Luc Mélenchon.
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.










    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240719-melenchon.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-28-la-strategie-255934

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/19/article-sr-20240719-melenchon.html




     

  • Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet

    « C’est avec une immense émotion que je prends la parole devant vous. Les dernières semaines ont été particulièrement tendues. Notre pays est inquiet et fracturé. Nous avons une immense responsabilité. (…) Ces voix, ces suffrages, cette mobilisation exceptionnelle et inédite nous confèrent une immense responsabilité. Si nos compatriotes ont été aussi nombreux à se rendre aux urnes, c’est qu’ils ont compris que la démocratie était un bien précieux, que certains enjeux étaient majeurs, que les hommes et les femmes politiques que nous sommes pouvaient avoir un effet direct sur leurs vies, nos décisions et nos actions peuvent changer leurs vies. » (Yaël Braun-Pivet, le 18 juillet 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Veste rouge vs Veste verte. La députée des Yvelines Yaël Braun-Pivet a été réélue Présidente de l'Assemblée Nationale ce jeudi 18 juillet 2024 vers 20 heures 40 à l'issue d'une séance très tendue et d'un scrutin très serré et incertain. C'est avec beaucoup d'émotion qu'elle a accueilli cette nouvelle et dans son bref discours inaugural, sans note, spontané, elle a salué ses concurrents en les faisant ovationner un à un, y compris le candidat du RN mi-amusé.

    Reprenons la journée parlementaire. Les candidatures ont été annoncées par les différents groupes quelques jours voire quelques heures avant le scrutin. En lice : Yaël Braun-Pivet, Présidente de l'Assemblée Nationale sortante, dont les qualités pour présider l'Assemblée ont été reconnues de tous, et André Chassaigne, président du groupe communiste et désigné candidat unique de la nouvelle farce populaire (NFP) qui voyait le perchoir comme son bâton de maréchal pour couronner sa carrière politique, étaient les deux concurrents principaux.


    Sans surprise, comme en 2022, Sébastien Chenu concourrait pour le groupe RN. S'il ne s'attendait pas à se faire élire, ses décisions de se maintenir à chaque tour étaient importantes car selon son comportement, il pouvait être un faiseur de Président. Son objectif est la reconnaissance des députés RN en tant que députés de la nation et à ce titre, capables de prendre des responsabilités dans les différents postes de l'Assemblée. Entre 2022 et 2024, deux députés RN étaient vice-présidents, Hélène Laporte et Sébastien Chenu.

    En revanche, surprise du côté LR puisque la candidature d'Annie Genevard, ancienne vice-présidente de l'Assemblée entre 2017 et 2022, a été éclipsée au profit de Philippe Juvin, le plus Macron-compatible des membres de LR. Attendue mais cela restait quand même étonnant et peu responsable, le groupe Horizons a présenté sa propre candidate Naïma Moutchou, vice-présidente sortante, pour compter ses députés, au prix d'une désunion du bloc présidentiel nécessairement relégué en troisième place. Enfin, représentant du groupe centriste et ultramarin LIOT et absolument opposé à la réélection de Yaël Braun-Pivet, Charles de Courson s'est également présenté, se positionnant comme le candidat qui pourrait réunir une grande partie de l'Assemblée car il ne ferait de l'ombre à personne. Le groupe MoDem (présidé par Marc Fesneau) avait envisagé de présenter un candidat, comme l'a fait le groupe Horizons, puis y a renoncé.

    Comme le 28 juin 2022, la séance a été présidée par le doyen d'âge, le député RN José Gonzalez, inaugurant ainsi la XVII
    e législature de la Cinquième République. Après une courte allocution, le scrutin a pu commencer pour élire le Président de l'Assemblée Nationale pour cinq ans, de 2024 à 2029 (en principe !).

    Les scrutateurs chargés d'organiser le scrutin et de surveiller et porter les deux grosses urnes sont les députés les plus jeunes de l'Assemblée, en particulier deux RN. Lors de cette séance un peu spéciale, les députés sont placés non pas selon leur appartenance à un groupe politique mais par ordre alphabétique, permettant d'étranges proximités politiques, selon le hasard des noms. Pour voter à bulletin secret, sans pression, chaque député se lève et va jusqu'à la tribune pour y placer son bulletin, selon l'ordre alphabétique à partir d'une lettre tirée au sort. Le jeune scrutateur RN tendait la main à tous les députés votants mais les membres insoumis et écologistes, entre autres, au regard fuyant, refusaient obstinément de lui serrer la main en raison de son appartenance au RN (ce qui est absolument stupide et pas très positif pour la propre réputation de ces députés très dogmatiques). Chaque député est député de la nation et représentant du peuple, ils ont les même droits quelles que soient leurs appartenances, et la courtoisie et la politesse sont des questions d'éducation et pas de tendance politique.

     

     
     


    Chaque scrutin a duré environ deux heures : une heure pour voter, une heure pour dépouiller. Aux deux premiers scrutins, il faut la majorité absolue, au troisième et dernier scrutin, la majorité relative suffit. Vu l'émiettement politique de l'Assemblée, inutile de dire que trois tours ont été nécessaires, et heureusement qu'il était prévu la majorité seulement relative au troisième, sinon, il y aurait eu une vingtaine, trentaine de tours.

    Les résultats du premier tour ont été annoncés par José Gonzalez autour de 17 heures 10. 574 députés ont pris part au vote, 4 ont été nuls ou blancs. Il y a donc eu 570 suffrages exprimés, ce qui signifie la majorité absolue à 285. André Chassaigne a fait un très beau score en rassemblant sur son nom 200 voix, soit plus que les seules voix du NFP. Sébastien Chenu a reçu 142 voix, soit l'ensemble des groupes RN et de ses alliés ciottistes. Yaël Braun-Pivet, candidate d'Ensemble, n'a obtenu que 124 voix en raison de la présence, parmi les concurrents, de la députée Horizons Naïma Moutchou 38 voix (ce qui est pas mal). Philippe Juvin a rassemblé 48 voix. Enfin, Charles de Courson a obtenu 18 voix. À ce stade, Naïma Moutchou et Philippe Juvin ont annoncé le retrait de leur candidature pour le deuxième tour, soutenant désormais la candidature de Yaël Braun-Pivet. Quelle faute politique pour Horizons d'avoir présenté une candidate contre Yaël Braun-Pivet, mécaniquement troisième, derrière le RN.

    Vers 19 heures 05, les résultats du deuxième tour ont été proclamés : 574 votants, 5 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés (majorité absolue 285). Yaël Braun-Pivet a bondi de la troisième à la première place avec 210 voix, soit exactement le total au premier d'elle et de deux candidats qui se sont retirés. André Chassaigne a recueilli 202 voix, soit encore 2 de plus qu'au premier tour. Sébastien Chenu aussi a amélioré son score avec 143. Charles de Courson, en revanche, a chuté de 18 à 12. Enfin, 2 députés ont voté pour des personnes qui n'étaient pas candidates.

    Donc, les 6 voix manquantes de Charles de Courson se sont réparties ainsi : 1 blanc, 2 voix pour un autre candidat non déclaré, 1 pour Sébastien Chenu, 2 pour André Chassaigne. Charles de Courson s'est alors retiré à l'issue du deuxième tour, en sachant qu'au troisième tour, le vote a lieu à la majorité relative.
     

     
     


    Restaient donc en lice au troisième tour les trois principaux candidats. Trois, car Sébastien Chenu a annoncé se maintenir au troisième tour. Cette configuration, plus dangereuse pour elle, est aussi la plus payante politiquement : Yaël Braun-Pivet n'allait pas dépendre des voix ou de l'abstention du RN pour sa réélection. Tout le monde a cependant dit que ce serait très serré car où iraient les 12 voix de Charles de Courson, alors que l'écart entre André Chassaigne et la Présidente sortante n'était que de 8.

    Petit arrêt sur l'hypothèse où André Chassaigne aurait été élu, ce qui n'a pas été le cas, ouf ! D'abord, quel anachronisme cela aurait été : l'Assemblée Nationale de la France, ce pays moderne, présidée par un communiste, un vrai communiste qui se revendique d'un parti communiste sans jamais s'être réformé ! Au-delà du signal terrible d'archaïsme (aurait-on imaginé André Lajoinie présider l'Assemblée dans les années 1980 ?), de paléontologie politique française, comment imaginer qu'un parti qui ne représente que 2% de l'électorat (son score aux élections européennes du 9 juin 2024) puisse présider la Représentation nationale ? Enfin, le signal lourd qu'une majorité à la gauche radicalisée était possible au gouvernement.

    Le suspense dramatique a pris fin un peu au-delà de 20 heures 35, quand José Gonzalez a proclamé Yaël Braun-Pivet vainqueure de cette élection avec 220 voix contre 207 à André Chassaigne et 141 à Sébastien Chenu. 1 voix s'est portée sur un autre candidat non présenté. 572 votants, 3 blancs ou nuls, 569 suffrages exprimés. Bien entendu, l'émotion a conquis l'hémicycle, et bien au-delà des rangs macronistes. Elle a même eu droit à une ovation, ce qui est la tradition.


    La première satisfaction, c'est qu'une femme continue encore à présider l'Assemblée, et quand on voit les autres candidats, ce n'était pas sûr du tout. La deuxième satisfaction est de démontrer que la gauche radicalisée n'est pas majoritaire, cela remet un peu les points sur les i sur la nature du message des électeurs. Cette Assemblée est en effet confuse, mais la première chose qu'il en sort, après dix jours de confusion totale, c'est Yaël Braun-Pivet réélue au perchoir, et bien réélue, avec 13 voix d'écart, c'était serré mais clair. Et réélue dans les meilleures conditions politiques, meilleures qu'en juin 2022 où le RN s'était retiré dès le second tour. En 2024, on peut affirmer (contrairement à ce qu'a prétendu l'aboyeuse professionnelle Mathilde Panot) qu'aucune voix du RN n'est allée sur Yaël Braun-Pivet. Des 142 voix du premier tour pour Sébastien Chenu, il en a perdu une seule, qui a dû se porter vers un candidat non déclaré. En revanche, le groupe LIOT est bien un OVNI de la vie politique et on aimerait que ce groupe puisse perdurer au fil des législatures tant son identité particulière (liberté de vote) est troublante : certains ont voté pour André Chassaigne, d'autres pour Yaël Braun-Pivet, et même 1 pour Sébastien Chenu au deuxième tour.

    Quelques minutes avant l'annonce des résultats, quelques députés insoumis allaient donner le ton de leur réaction après l'annonce. Ils ont remis en doute la légalité des 17 ministres démissionnaires qui ont voté à ce scrutin. Pourquoi le leur reprocher quand les résultats leur seraient défavorables et pas dès le premier tour ? Mystère ! Sur ce point très particulier, la plupart des constitutionnalistes ont expliqué que c'était légal. Du reste, le ministre démissionnaire élu député, pourquoi ne pas prendre en compte les électeurs de leur circonscription ? Il faut rappeler aussi qu'un suppléant ne peut prendre ses fonctions qu'un mois après la nomination d'un député au gouvernement. Dans des scrutins serrés, chaque voix compte et surtout, chaque électeur compte ! Refuser ce droit de vote serait plutôt là comme déni de démocratie. Par ailleurs, il y aurait eu au moins six précédents sous la Cinquième République. J'en connais au moins deux, en mars 1986 (majorité très serrée) et aussi en 1988 (absence de majorité absolue), où les ministres démissionnaires du premier gouvernement de Michel Rocard élus députés ont siégé pour élire le Président de l'Assemblée Nationale (à l'époque, le PS était ultradivisé et chaque voix comptait aussi).

    Autre critique stérile relayée tant à l'extrême droite qu'à l'extrême gauche : la réélection de Yaël Braun-Pivet serait un déni de démocratie. Pour les députés NFP, rappelant qu'ils étaient arrivés en tête au premier tour, ils ont dénoncé (comme le RN) les combinaisons et les accords opaques avec le groupe LR. C'est très fort d'hypocrisie ! D'une part, aucune opacité puisque cet accord a été commenté en long et en large pendant près d'une journée. D'autre part, le résultat de la candidature unique d'André Chassaigne a résulté aussi d'un accord, d'une combinaison entre les quatre partis du NFP, pas plus transparente que du côté de LR.


    Enfin, si André Chassaigne, Mathilde Panot mais aussi Boris Vallaud et Cyrielle Chatelain, les quatre présidents de groupe du NFP, ont tant hurlé et aboyé contre la réélection de Yaël Braun-Pivet (on leur aurait volé l'élection, quels démagogues vraiment petits !), prouvant qu'ils étaient mauvais joueurs et qu'ils remettaient en cause la sérénité des institutions, de véritables garnements qui nieraient des faits évidents, c'est tout simplement parce qu'avec l'échec de la candidature d'André Chassaigne (qu'ils ont appelée succès parce que c'était un succès d'avoir réussi à trouver un candidat commun au perchoir !), s'est éloignée évidemment (et heureusement) la perspective d'un gouvernement du NFP (toutefois fantôme puisqu'ils étaient incapables d'en nommer un seul membre). Et c'est tant mieux ! Je n'ose pas imaginer le cas où ces fous enragés auraient conquis le perchoir, sur la manière très partisane de diriger les débats parlementaires.

    La réaction du RN et de Sébastien Chenu à la réélection de Yaël Braun-Pivet était un peu plus subtile : les députés RN ont fustigé le maintien de Yaël Braun-Pivet alors que les électeurs auraient réclamé du changement, mais cette contestation fait finalement le jeu de la Présidente réélue car au moins, on ne pourra pas dire qu'elle a été réélue grâce au RN. L'autre critique beaucoup plus forte du RN, c'est l'accord en bonne et due forme du groupe LR en faveur des macronistes, l'objectif du RN étant de reprendre la place laissée vacante par LR.

    Pourtant, entre André Chassaigne et Yaël Braun-Pivet, il n'y avait pas photo pour le RN : son intérêt était effectivement pour la réélection de Yaël Braun-Pivet qui souhaite la représentation de tous les groupes, y compris extrémistes, dans le bureau (qui sera désigné le lendemain), alors que la gauche veut ostraciser le RN des instances décisionnelles de l'Assemblée (ce qui serait une erreur, et serait illégal, en contradiction avec une loi organique appelée Règlement intérieur de l'Assemblée Nationale).
     

     
     


    L'émotion énorme et très visible de Yaël Braun-Pivet semble enfin clore une séquence ultrastressante qui va du dimanche 9 juin 2024 à ce jeudi 18 juillet 2024 : un tremblement de terre électoral aux élections européennes, pas assez commenté car tout de suite suivi de la dissolution, d'une campagne difficile et courte, d'une perspective devenue quasi-réalité au premier tour du 30 juin 2024 d'une majorité absolue de députés RN, puis d'un front républicain très efficace contre le RN au second tour du 7 juillet 2024. Le retour de Yaël Braun-Pivet à l'Hôtel de Lassay est aussi une manière de dire que la raison, l'ordre et la stabilité l'ont emporté sur les hurlements ou les aboiements d'une gauche radicalisée qui a soumis la gauche molle (PS), tétanisée de la crainte d'être considérée comme des traîtres à la gauche : il fallait voir la tête dépitée de François Hollande et Olivier Faure à l'annonce des résultats.

    Au même moment, à Strasbourg, Ursula von der Leyen était réélue Présidente de la Commission Européenne par les députés européens qui lui ont accordé un second mandat de cinq ans. On a pu voir une grande embrassade entre elle et ...Manon Aubry, séquence vidéo qu'a immédiatement retransmise Marine Le Pen dans les réseaux sociaux en disant : sans commentaire.

    Au programme du vendredi 19 juillet 2024, l'élection des autres membres du bureau de l'Assemblée (6 vice-présidents, 3 questeurs, 12 secrétaires). Celui du samedi 20 juillet 2024 : la constitution des différentes commissions permanentes. Et cette difficulté : qui se déclare de la majorité, qui se déclare de l'opposition ?



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (18 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (27) : l'émotion de Yaël Braun-Pivet.
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (20) : le poison du scrutin proportionnel.
    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.


     

     
     







    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20240718-braun-pivet.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/legislatives-2024-27-l-emotion-de-255913

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/07/18/article-sr-20240718-braun-pivet.html




     

  • Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier

    « Je suis en colère, écœurée, je suis fatiguée, j'en ai marre, je suis désolée du spectacle qu'on donne aux Français et aux Françaises. » (Marine Tondelier, le 17 juillet 2024 sur France 2).



     

     
     


    Ce mercredi 17 juillet 2024, dans la matinale de France 2, Marine Tondelier, la secrétaire nationale des écologistes d'EELV, était à la fois triste et en colère. Elle s'est bien rendue compte que décidément, l'union de la gauche n'est pas une affaire facile. C'est même une affaire impossible. Si dans la journée, la nouvelle farce populaire (NFP) a finalement réussi à se mettre d'accord sur un seul candidat au perchoir, ce n'est pas le cas pour un possible Premier Ministre. Le vieux communiste André Chassaigne, sympathique président du groupe communiste apprécié humainement de tout l'hémicycle, candidat au perchoir, aura quand même du mal à réunir sur son nom des voix au-delà du NFP en raison de son positionnement politique.

    Marine Tondelier est désespérée sur l'incapacité du NFP à sortir de son chapeau un nom de Premier Ministre. Évidemment ! Il aurait fallu le trouver et l'annoncer avant les élections, s'ils avaient un peu de respect pour leurs électeurs, mais c'était trop compliqué. Le NFP était une sorte d'artifice vite fait, bâclé, pour faire face à la fois au macronisme et au RN. Ils ne pensaient pas qu'ils auraient l'audace de prétendre à gouverner la France à l'issue du second tour.

    De toute cette séquence particulièrement éprouvante, une sorte de trajet du train fantôme dans une maison hantée, celle de la campagne des élections législatives où était martelée l'inéluctable victoire du RN, une personnalité s'est dégagée, inconnue jusqu'alors de Français, Marine Tondelier. À presque 38 ans, le mois prochain, secrétaire nationale d'EELV depuis le 10 décembre 2022, Marine Veste Verte a multiplié ses interventions médiatiques depuis la dissolution de l'Assemblée : dès le 10 juin 2024, elle est allée sonner à la porte de ses partenaires de la Nupes, les insoumis, les communistes et les socialistes, pour dire qu'il fallait s'unir aux élections sinon ils seraient laminés par la vague RN. En quelque sorte, l'union de la gauche en 2024 lui doit beaucoup. Son échec aussi.

    Car Marine Tondelier n'est pas une déesse, ni une sainte, elle ne fait pas de miracle, et ne sait pas déplacer les montagnes. Surtout quand l'une s'appelle Jean-Luc Mélenchon ! Comme chez tout écologiste, il y a toujours une part de naïveté et de candeur chez Marine Tondelier. C'est ce qui les fait apprécier de ceux qui préfèrent s'occuper de l'environnement à magouiller dans de la cuisine politicienne.

    Pas facile de porter le même prénom que la leader de l'extrême droite, ou alors, c'est justement c'est le challenge de changer de Marine. Pas facile non plus son implantation électorale, dans le Pas-de-Calais, il faut dire qu'elle n'a pas beaucoup de chance ; depuis 2014, elle est conseillère municipale dans le cœur de la MarineLePénie : Hénin-Beaumont, dont le maire, Steeve Brivois et la députée, Marine Le Pen, ont durablement conquis les terres électorales initialement de gauche. Elle a été candidate dans cette onzième circonscription du Pas-de-Calais en 2012 (avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en concurrents, le député sortant PS Philippe Kemel a encore gagné, pour la dernière fois), en 2017 et en 2022 (unique candidate de la gauche), mais a laissé son tour en 2024, dans un bastion désormais imprenable (sortante depuis 2017, Marine Le Pen y a été réélue dès le premier tour avec 58,0% !).

    Pourtant, l'échec du NFP de proposer un nom de Premier Ministre, il est en partie de sa propre responsabilité. En effet, ce sont les quatre chefs de parti du NFP qui négocient depuis le 7 juillet 2024 pour ne pas trouver de nom. Elle est aussi responsable que Manuel Bompard, Fabien Roussel ou Olivier Faure.

    Certains journalistes disent même qu'elle est plus responsable de l'échec que d'autres. Pourquoi ? Parce qu'elle aurait systématiquement émis la neutralité des écologistes entre les deux camps très clivés, les insoumis et les socialistes. Refusant de prendre partie pour ne froisser ni les uns ni les autres, elle empêcherait de faire pencher la balance d'un côté et pas de l'autre et d'aboutir à une conclusion, à une décision.


    Il faudrait reprendre exactement l'historique de la proposition de la présidente du conseil régional de La Réunion Huguette Bello à Matignon. Selon la version officielle (je pense qu'il s'agit en réalité d'une manœuvre de Jean-Luc Mélenchon), c'est Fabien Roussel qui l'a proposée le vendredi matin (12 juillet 2024). Il a lâché son nom en public afin de faire avancer les choses. Dans la journée, les insoumis se sont ralliés à ce nom.
     

     
     


    Le samedi (13 juillet 2024), dans l'après-midi, Olivier Faure a convoqué le conseil national du PS pour approuver ou rejeter le nom d'Huguette Bello. A priori, elle est trop marquée à gauche, Olivier Faure n'en voulait donc pas mais voudrait auparavant connaître la position des écologistes. En effet, si EELV annonçait aussi son accord pour Huguette Bello, le PS serait obligé de s'y rallier, sinon il serait responsable du blocage et de la division, chose que ne veut absolument pas endosser Olivier Faure. Selon Mediapart, il aurait lâché : « Si on est seuls contre trois, on va devoir céder ! ».

    À ce moment de l'histoire, assez confuse il faut bien le dire, il faut lire la chronique du journaliste Daniel Schneidermann mise en ligne ce mercredi 17 juillet 2024, qui n'a toujours pas compris pourquoi ni comment la candidature d'Huguette Bello a capoté. Il a contacté tous les acteurs de cette tragi-comédie pour tenter de démêler mauvaise foi et vérité.

    Selon lui, Olivier Faure aurait interrompu le conseil national du PS pour contacter Marine Tondelier qui lui aurai dit : « Les Verts, c'est ni oui ni non ! ». Forts de cette indécision, les socialistes ont alors officialisé leur refus. La version de Marine Tondelier, c'est qu'elle n'aurait pas été contactée elle-même samedi après-midi, mais un « membre de son entourage » qui, aujourd'hui, tient fermement à rester anonyme. Elle-même était favorable à la candidature d'Huguette Bello qu'elle connaissait déjà mais elle l'avait appelée au téléphone et voulait qu'elle se présentât devant la direction des écologistes pour exposer son projet politique (Huguette Bello était en vacances et devait rentrer en début de semaine).


    Lorsqu'elle est partie pour la matinale de France Inter le dimanche 14 juillet 2024, Marine Tondelier voulait annoncer son soutien « avec beaucoup de bienveillance et d'enthousiasme » à Huguette Bello... mais c'était trop tard, cette dernière venait de décliner l'offre en raison du refus des socialistes. Marine Tondelier n'a pu que regretter cette décision. Caramba ! Encore raté !

    Dans sa petite investigation personnelle, Daniel Schneidermann s'est un peu désespéré : « Tondelier : "Faure a peut-être entendu ce qu'il voulait entendre". "Franchement, c'est un beau symbole mais elle n'était pas du tout prête à assumer Matignon" confirme Faure (par SMS). Ils me répondent, mais je les sens désarçonnés par mes questions factuelles (qui a dit quoi ? À quelle heure ? Qui a répondu quoi exactement ?). Manifestement, ils n'ont pas l'habitude. Et puis, dans ce harcèlement de textos, d'appels, de sommations, allez vous souvenir des détails ! ».

    Donc, si la candidature d'Huguette Bello a échoué, c'est en partie à cause de Marine Tondelier elle-même qui, à force de ménager la chèvre et le chou, est incapable de prendre des décisions claires et surtout connues de ses partenaires. En fait, les écologistes seront toujours d'accord. Ainsi, Marine Tondelier a aussi avalisé l'hypothèse de Laurence Tubiana, rejetée absolument par les insoumis. Retour à la case départ. Ne croyez pas que le Président de la République se frotte les mains aujourd'hui. C'est plutôt Marine Le Pen qui se frotte les mains. Elle attend plein d'espoir son heure l'année 2025...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (17 juillet 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Législatives 2024 (26) : les larmes de Marine Tondelier.
    Législatives 2024 (25) : faut-il ostraciser le RN à l'Assemblée Nationale ?
    Législatives 2024 (24) : Huguette Bello, mélenchonette en peau de lapin.
    Législatives 2024 (23) : grand pays recherche son gouvernement.
    Législatives 2024 (22) : qui au perchoir ?
    Législatives 2024 (21) : marche sur Matignon ?
    Lettre aux Français par Emmanuel Macron le 10 juillet 2024 (texte intégral).
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    Législatives 2024 (19) : quel possible Premier Ministre pour une impossible majorité ?
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Résultats du second tour des élections législatives du 7 juillet 2024.
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (17) : rien n'est joué dimanche prochain !
    Législatives 2024 (16) : la question de dimanche prochain.
    Législatives 2024 (15) : les promesses n'engagent que ceux qui y croient !
    Législatives 2024 (14) : la revanche des gilets jaunes ?
    Législatives 2024 (13) : fortes mobilisations au premier tour.
    Résultats du premier tour des élections législatives du 30 juin 2024.
    Appel aux sociaux-démocrates.
    Éric Le Boucher : la France va plutôt bien (27 juin 2024).
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Interview d'Emmanuel Macron à Génération Do It Yourself le 24 juin 2024 (podcast intégral).
    Lettre aux Français d'Emmanuel Macron le 23 juin 2024 (texte intégral).
    Législatives 2024 (8) : la bataille de Matignon.
    Le programme aux élections législatives du 30 juin 2024 d'Ensemble pour la République (document à télécharger).
    Législatives 2024 (7) : Ensemble pour la République.
    Législatives 2024 (6) : Nicolas Sarkozy et François Fillon bougent encore !
    Législatives 2024 (5) : le trouble de Lionel Jospin.
    Législatives 2024 (4) : l'angoisse de Manuel Valls.
    Législatives 2024 (3) : François Hollande dans l'irresponsabilité totale !
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Sidération institutionnelle.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Résultats des élections européennes du dimanche 9 juin 2024.

     

     
     




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